ernesto cardenal moine trappiste révolutionnaire poète épique et puis mille autres façons d’être un homme tu t’es aussi hissé sur les hauteurs de ma(c)chu-picchu pour recommencer la quête du secret naguère ouï dans ce « chaos redevenu cosmos » par pablo neruda le solidaire neruda le solaire et le solide pablo neruda ces autres manières d’être un homme « pablo nuestro » a dit le barde yupanqui « pablo nuestro dans ton chili merci pour les tendresses dites par ton poème » atahualpa yupanqui rythme l’allure de cette marche nôtre solaire solide et solidaire ernesto cardenal nous montons avec toi père attentif jusqu’à ce lieu que tu as appelé « la maquette de la ville du ciel » et avec toi « marche après marche nous montons vers le passé et le futur » et avec toi nous écoutons la voix d’un quechua très vieux dans sa masure « des peuples sont sortis parfois de la bouche de dieu voilà pourquoi lima est un lieu si bavard mais d’autres peuples sont sortis de ses yeux et ils voient loin dans le passé des incas dans le fond des vallées chaudes sur les hauts plateaux où l’on est près du ciel et le pérou commence avec le lac titicaca sexe de notre terre-mère et là il finit à quito qui est son front et lima est sa bouche et le cuzco son cœur vibrant la tête d’incarri décapité sur ordre de l’espagne se trouve au cuzco elle est vivante et son corps par le bas se régénère quand il sera complet il reviendra notre incarri tous les oiseaux partout le long des côtes du pérou le chantent en el cuzco el rey en el cuzco el rey al cuzco vayan al cuzco vayan alors le paysan des andes attend la renaissance de son monde qui reviendra profondément changé le retour d’incarri n’est pas retour au passé les indiens retrouveront leur dignité et ceux qui les ont tant fait souffrir tout au long des siècles devront les honorer et ils verront qu’ils n’avaient rien à perdre à les aimer ces indiens tant haïs ô toi colombe colombe aimée parmi les herbes dans les ravins toi colombe tressaillant comme un esprit dans les rochers les herbes ton vol vers le mac(c)hu-picchu ce rêve de royaume perdu comme un appel dans la forêt ton vol vers le le mac(c)hu- picchu trace la voie vers l’archétype sacré des incas cité du silence maintenu tout au long de quatre siècles comme secret le mieux gardé du monde » nous écoutons ce vieillard quechua dont le murmure est vif comme les eaux d’une fontaine résurgente et l’air qui scintille de lui à nous et vers les hauteurs s’élance a comme une allure d’oiseau véloce et roucoulant aux bords extrêmes du visible en diapason évanescent alors le quechua soulève le silence et le maintient comme une éternité mystérieuse ernesto pablo une foule d’autres poètes recueillis font du silence du vieillard leur substance effervescente et c’est bientôt toutes ces voix qui parlent à l’unisson dans la voix quechua « après la conquête cuzco n’était plus le nombril du monde el omphalos c’est le mac(c)hu-picchu qui le devint tel est le nouveau lieu des vierges du soleil pierre sur pierre dominant le précipice » or sans la moindre trace du chef décapité le grand tupac amaru sans la moindre trace des architectes des ouvriers des vierges partout rampes et escaliers de pierre places nues portes vides tours désertes et partout l’insolence du tourisme venant brouiller la réception des voix « qu’importe » dit fernando le frère d’ernesto monté avec nous « qu’importe si cette forteresse n’a jamais été forteresse putain j’ai mal à l’âme de ce peuple dispersé le long des oubliettes de l’histoire qu’importe le tourisme et le zapping des hordes hébétées les seuls chemins vers le mac(c)hu-picchu sont dans nos cœurs putain je les entends en moi les vierges les ouvriers les preux les architectes » et fernando de s’éloigner le long des pierres de disparaître derrière un mur et le vieillard de murmurer « le dieu viracocha va le conduire en spectre impétrant parmi les ancêtres fermez les yeux accompagnez de vos oreilles son épreuve initiatique » alors j’ai saisi la main d’ernesto qui priait en disant le nom tremblant d’atahualpa alors une énergie bruissant de rumeurs extraordinaires a parcouru dans la lenteur les chairs des présents les chairs des absents les chairs du monde entier et pablo neruda et yupanqui et mille autres poètes nous ont transmis les voix que fernando était dans son errance en train d’entendre fernando cardenal nous te louons ernesto cardenal nous te louons nous te louons atahualpa le barde et toi martin adán qui penses que toute cette pierre te représente qu’elle est ton pauvre visage et ton âme et toi aussi juan gonzalo rose qui nommes le mac(c)hu-picchu ton père toi aussi césar toro montalvo qui penses toute cette pierre en lave ardente et toi alberto hidalgo qui déclares que dieu est jaloux des hommes qui ont pu édifier cela toi aussi danilo sanchez lihon qui dis que le ma(c)chu-picchu contient le vaste et le profond et qu’au-delà de lui il n’y a rien et puis tant d’autres poètes par milliers nous vous louons qui propagez dans les âmes ailées le chant des oiseaux de la liberté et nous louons l’amour l’art et l’ardeur de pablo nuestro noble compagnon de tous ceux qui ont le cœur pour fanion et pour hymne glorieux le cri du cœur Share this:TwitterFacebookWordPress:J’aime chargement…