« L’homme bâille »
Brusque oubli de tous les visages
Leur voix, leur mythe.
Le cadre glisse.
Soudain le corps enlace l’air, le happe,
Accord parfait
Comme d’un dormeur et de son rêve,
Et l’expire
Célébration d’harmonie
Ainsi la cigale chante-t-elle l’olivier.
Nostalgie de cette étreinte
De cette ouverture à tous vents.
« Cadence »
Nous arrivâmes au carrefour des anges
Ils étaient attablés devant leur silence
Les ciels défilaient sous leurs ailes
Zéphyr se jouait des cordes et des vents.
L’élégant chatoiement de leur corps suggérait le ballet scintillant des sphères
Leur joie grave écoutait des voix intérieures comme si l’air qui les frôlait ne fût pas venu d’ailleurs
Leurs yeux aimables fixaient l’instant.
Une évidence que leur présence
Et leur pose de rêveur, le songe le plus accompli.
Une corde cassa : le concert commençait.
« La sieste de Pierre Bonnard »
Dans l’atelier le temps ploie.
Au suspens des heures éclôt la sieste prodigue.
Généreuse mais filtrée, la lumière
Pelotonne, rembourre et capitonne
Pétrit d’aise les hôtes du repos.
Feu sauvage ici retenu, elle aiguise pourtant le volume
Lustre les idoles, polit dans l’atrium du rêve
L’aura pensive de leur écho.
Sous l’allégeance de la dame et de l’animal
Elle épure et feutre l’intimité charnue de l’alcôve
Pacifie les ombres, estompe les scories du décor.
Nul souci ne pèse au filet du songe double
Que noue, ajuste à l’idéal
La faveur du chien aux boucles couplées.