…il reste la croyance aux lendemains lumineux, la nostalgie de ce qui jamais ne fut. L’eussent-ils été lumineux, les lendemains, que sur le champ nous eussions été aveuglés. Car la lumière lorsqu’elle nous prend de face nous plonge dans les ténèbres.

Un temps

– Tu entends ?

– Quoi ?

– La voix.

– Quelle voix ?

– La voix de l’au-delà.

– L’au-delà de quoi ?

– L’au-delà de nous.

– L’au-delà de nous ici-bas ?

– Oui, l’au-delà de nous ici-bas, tu l’entends ?

– Non, je n’entends pas la voix de l’au-delà de nous ici-bas, je n’entends que nos voix.

– Tu es sûr ?

– Certain.

– Et pourtant, elle parle la voix de l’au-delà de nous ici-bas, elle parle. Écoute.

– Je n’entends rien. Qu’est-ce qu’elle dit la voix ?

– Elle ne dit rien, elle parle.

– Elle parle sans rien dire ?

– Oui, elle parle, entre les mots, dans les bruissements, les frémissements, les tremblements.

– Dans le silence de la nuit aussi, elle parle ?

– Oui, elle murmure dans les feuillages, délicatement, imperceptiblement, elle susurre nuitamment.

– Et dans le silence de la mer aussi ?

– Oui, entre le flux et le reflux, le clapotis des vagues sur la rambarde, on l’entend qui chuchote.

– À ton oreille ?

– Oui et à la tienne aussi si tu veux bien l’accueillir.

– L’accueillir dans mon ici-bas à moi ?

– Exactement.

– Ça demande réflexion.

– Ah et pourquoi ça ?

– Parce qu’il s’agit de la voix de l’au-delà, tout de même.

– Et alors ?

– Et alors, il faut s’y préparer.

– Mais non, il faut simplement l’accueillir.

– L’accueillir, l’accueillir, je n’ai pas les moyens moi de l’accueillir.

– Un peu de simplicité et d’humilité suffiront.

– C’est ce qu’on dit toujours : « Je vous reçois en toute simplicité, sans prétention, vous êtes ici chez vous… » Non, non, décidément, je ne me sens pas d’accueillir cette voix de l’au-delà.

– Tu préfères t’en tenir aux voix d’ici-bas ?

– Ah oui, au moins ici-bas, on se connaît, on est entre nous et on ne peut pas nous soupçonner d’entendre des voix, je veux dire d’autres voix, fussent-elles de l’au-delà.

– Bien, c’est toi qui vois.

– C’est tout vu… et entendu.

* in Tant que les mots disent, François Minod, Editions Hesse 2015

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