Moi enfant de la louve

Je cligne des yeux et je ne veux pas voir

Près du canal

Ces lumières ces rubans ces frelons d’argent

Ces milliards de lucioles réveillant la nuit

Je ne veux pas voir pas palper pas humer

Ça m’est venu comme ça

Le vent de plein fouet m’assaillait

Je dévalais plaines collines des terres remuées

L’eau là-bas glapissait

Moi louve mécréante des chants m’ont attrapée

M’ont attrapée au ventre

Ont arrêté ma course

Des chants de voix femelles et des chœurs de voix mâles

Des aigus des graves des orgues des notes pâles

Et des humains en marche avec enfants à la chair tendre

Je me suis recueillie

Moi louve des forêts

Dure à la tâche prompte au galop

Dans le furtif la méfiance la crainte

Même d’un papillon

Guettant le signe

J’ai happé

Pleine gueule pleines narines plein thorax

Telles feuilles et plumes

Êtres dansant des valses lentes

Tant d’amour

Malgré le vent malgré le froid

Louve bornée

Moi j’ai pleuré

J’ai déguerpi

Ne souhaitant que

Les fruits des bois les berges longues l’herbe gracieuse

Et j’ai haï le goût du sang

Âcre doucereux dans la gueule

De ma dernière proie

Ce n’était que mémoire inodore

De caoutchouc mou et pesant

Je ne pourrai plus déchirer les peaux fourrées

Les tendres yeux nez frémissants rires perdus

Moi louve indigne me suis enfuie

Ne souhaitant que le vent pour peinture

Mais le vent m’apporte toujours

Transparentes corolles

Les lueurs les frémissements

D’âmes subtiles tournoyant

Nov 2015