Il était une fois une émotion qui s’appelait « La peur ». Las de croupir dans les geôles de la dénégation et de l’ignorance, elle avait décidé de s’extirper et d’entrouvrir minutieusement, dans un souffle à peine audible la porte de la conscience de son hôte et de se présenter au buffet littéraire.

Bien que son dessein aurait pu être tout ce qu’il y a de plus classique : un grand bruit vif, lugubre, assourdissant ; « cette peur » fût soudainement poussée par un évènement inexplicable à imaginer, à imaginer ce qu’elle voudrait créer, ce qu’elle aimerait arriver à provoquer au cœur de cette assemblée non pas par un effet théâtrale mais bien par des mots.

 Mais « La peur » ne savait pas du tout quelle direction elle devait prendre ou plutôt quelle histoire malfaisante, quelle tragédie putride et dévorante vagabondant dans les limbes de son esprit devait être couchée sur papier.

 Au début donc, « La peur » commença à faire quelques crissements très aigus sur son clavier dû à ses tâtonnements d’amateur. Il faut dire qu’essayer d’imiter le grand maître King n’était vraiment pas chose aisée. Non sans incertitudes, elle s’attela pourtant à sa tâche avec un acharnement diabolique.

 Mais à peine avait-elle commencé qu’elle se sentie interpellée :

 — « Non, non ! Pas comme ça, cria la petite voix de l’horreur ! C’est trop lisse, trop gentillet, trop fade. Le grand amour du gore, la musique des cris déchirants et agonisants, l’odeur du sang et des larmes, qu’en fais-tu ? Et les frivoles ados en villégiature dans la veille maison abandonnée de Tante madeleine, se faisant déchiquetés les uns après les autres par un sérial killer sous acide tronçonneuse en main, qu’en fais-tu ? Ou de tante madeleine elle-même revenue d’entre les morts afin d’assouvir sa soif vengeresque et faucher toute âme qui oserait prendre possession de son antre ? Et du monstre baveux échappé accidentellement d’un complexe militaro-industriel suite à des expériences génétiquement hasardeuses ? Qu’en fais-tu aussi ?

 Alors avant que tu gâches tout ce qui s’ensuit, il faut que tu apprivoises tes envies, tes idées, que tu donnes une âme à ta créativité, que tu suives l’intuition de ton imaginaire le plus moribond car il te guidera pour attirer l’attention et captiver jusqu’à ta dernière lettre. Tu ne veux pas les faire rire, n’est-ce pas ?? »

 « La peur »  était malgré tout un peu perdue. Elle voulait s’échapper, se déconnecter sur place. Puis elle se dit au fond, si on ne se lance pas sans prendre le risque d’être soi-même, alors créer, partager, échanger… n’a que peu valeur.

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