Soudain, monumentale, une porte se dresse entre les arbres, au cœur de la forêt, à quelques heures de marche.
Une porte posée au sol, auquel la rattachent de puissantes ronces, tel un coffre-fort les algues du fond.
Une porte carrée, massive, imposante, d’un temple, d’un jardin, d’une prison, d’un tombeau, qui sait ?
Une porte mystérieuse, sans âge, convoquant Thèbes, Jérusalem, Michel-Ange, Dante, Rodin
Une porte sombre, à deux ventaux, bardée de fer – clous, verrous, crochets, chaînes, barres, charnières, gonds –
Bûcherons et ferronniers d’un autre âge ont taillé le torse géant d’un guerrier.
Une porte défensive, forte de sa masse et de son énigme. Seule ; nulle trace de murs, ruines, éboulements. Jamais elle ne protégea citadelle ou royaume.
Une porte tombée du ciel, qu’on n’ose ni franchir ni contourner. Qui barre toute progression vers un territoire ouvert, immense, illimité. Fichée là comme pour dissuader l’avancée ennemie. Emblème d’une chasse gardée. Réserve d’une communauté invisible décidée à soutenir un siège, ou à porter attaque.
…
Soudain, la sidération
Les oiseaux ne chantent plus
Les insectes ne bruissent plus
Les feuilles ne frémissent plus
La porte se met à vibrer, pulser, souffler, grincer, gronder.
Colosse arc-bouté entre chaos ancestral et barbarie menaçante,
elle combat forces abyssales et hordes déferlantes.
Elle retient terreurs funestes, violences enfouies, meurtres effroyables.
Elle résiste aux vengeances, aux cris, et au sang.
Elle capte la respiration d’un monde de colères et de brutalités.
Ses battants ferrés, mâchoires démesurées d’un piège à ciel ouvert ;
contre ses battants -les bien nommés-, vraies Tables de la Loi, se heurtent et se fracassent la fureur des morts et la folie des vivants.
j’aime tout particulièrement ce texte qui me fait songer aux Falaises de marbre et à leur atmosphère d’étrangeté sublime et menaçante. Merci Nicole.