Nuit

Tu cries dans la nuit et personne ne t’entend, tu es seul et tu le sais mais tu fais comme si.
On est tous un peu comme ça, à croire que quelqu’un nous entendra dans l’obscurité, mais il fait trop
noir, personne n’entend rien, il faut attendre que ça passe, la nuit, il faut attendre que ça passe les
cris.

                                                                                    *

Regarde, elle est là
la nuit,
elle vient de tomber,
il ne faut pas la déranger,
on va partir sur la pointe des pieds
et la laisser danser
dans son grand voile noir.

                                                                                  *

Hey, tu m’entends ?
Il parait que la nuit les chats ne sont plus gris, tu le savais ?
Il paraît qu’ils sont noirs, c’est ce qu’on dit, ils ont changé de couleur.
– Depuis quand ?
– Je ne sais pas, c’est trop noir pour savoir.

                                                                                *

La nuit est noire comme il se doit, les monstres attendent que les enfants dorment, ils s’échauffent
dans leurs arrière-boutiques. Jusque là, rien à dire, tout est à sa place, on attend plus que le signal
pour commencer.

Oui, mais voilà, les enfants ne veulent plus jouer à avoir peur de ces monstres qu’ils ne voient que la
nuit, et les monstres ne veulent plus travailler la nuit pour des salaires guère plus élevés que le jour.
Que faire?
Après d’âpres négociations avec les uns et les autres, il fut décidé de couper la poire en deux: les
monstres feraient leur prestation pour moitié la nuit et pour moitié le jour, en appliquant le tarif de
nuit, jour et nuit.
Les monstres avaient gagné la partie, (sur) en ce qui concerne les tarifs.
En ce qui concerne les enfants, c’est une autre affaire.
Visiblement déçus par leur prestation diurne, ils se désintéressèrent progressivement des monstres,
estimant qu’ils ne leur faisaient plus peur, surtout le jour.

C’est souvent comme ça avec les choses de la nuit qu’on veut transférer le jour, c’est peut-être dû à
des phénomènes de surexposition, allez savoir!

*

– Nuit…

– De Chine?

– Non!

– Nuit câline?

– Non plus.

– Nuit d’amour?

– Non, non.

– Nuit d’ivresse, alors?

– Non, non, non.

– De caresse.

– Non , je vous dis.

– De tendresse?

– Nooooon.

– De quoi, alors?

– De rien du tout. Nuit ça suffit, pas besoin d’autre chose.

– Sûr?

– Certain.

– Ok, je note, nuit. Point.

– Non, nuit tout court.

– Tout court, vous êtes sûr ?

– Oui, nuit, tout court, sans rien autour.

– Pas même une étoile?

– Non, rien que la nuit.

– C’est noté.

Un temps

– C’est tout ?

– C’est déjà beaucoup, non, nuit sans rien autour ?

Un temps

– C’est noir.

– Tant mieux.

Un temps

– Très noir

– A la bonne heure.

Un temps

– Aucun perspective à l’horizon

Et pour cause.

Un temps

– Noir clair, peut-être ?

– Non, nuit noire, point final.

Un temps

– Vous êtes sûr?

– Oui, final, définitif.

Ok, je note, nuit noire, point final.

Ce n’est pas la peine de l’écrire le point final.

– C’est vous qui m’avez dit.

– Oui, de le marquer mais pas de l’écrire en toutes lettres.

– Juste un point alors ?

– C’est ça.

– Le point de la fin ?

– Exactement.

Laisser un commentaire