« Une mouche éphémère naît à neuf heures du matin dans les grands jours d’été, pour mourir à cinq heures du soir ; comment comprendrait-elle le mot nuit ? » Stendhal

J’ai touché l’éphèmère

surprise qu’il ose paraître

j’ai touché son aile transparente

qui jamais ne se replie

j’ai touché la tache

à son extrémité

trace de centaines de millions d’années

passées depuis sa naissance et j’ai senti

une éternité vibrer dans mon corps

une vague de vent agitait les pierres

et j’entendais leurs prières

quand j’ai touché l’éphèmère

j’ai de nouveau perdu le souffle

j’avais oublié

qu’il était là

depuis l’enfance

dans la fente

de la blessure 

j’ai touché                  l’éphémère

la distance

qui me tient

hors de moi

quand je veux le soustraire

j’ai touché l’éphémère

à la limite du visible

qui s’efface à son passage

et je suis passée

de l’autre côté de la rive

couchée sur le flanc gauche

haletante

rayée de frissons

raturée d’anathèmes

en un seul instant

en un seul inspir

le présent a

éclaté

au creux de mes mains

comme du verre

sans une goutte de sang

seule

la douleur

cuisante

plombée de raide

chargée de honte

j’ai touché l’éphémère

qui se répète sans trêve

qui se reproduit en une nuit par millions

dans la chambre obscure de la mémoire

sa parole est trop brève

pour que je puisse saisir

ce qu’elle veut me dire

d’ailleurs ai-je réellement touché

l’éphémère

qui nous retient 

l’un près de l’autre

il n’y a que le mot

à l’instant

où je l’écris

où je le prononce

pour donner corps

à la faille

insoutenable

qui arrache

la pierre de sa roche

la mouette de son cri

la main de sa peau

– Il n’y a que la distance

que tu touches

la distance imprimée sur ton épiderme

la trouée enclose dans tes entrailles

la peur débordant de ton regard               va

va        va      plus loin         encore plus loin                   loin

de la mare stagnante d’années de larve

va dans  le courant des lendemains

accepte

cette ombre qui se glisse

éphémère

dans le flou de chaque attente

ce tremblement vital

qui secoue et extirpe l’insecte

de sa gangue

et lui fait battre des ailes

avant de se jeter dans le vide

pour apprendre à voler

même si son vol est bref

c’est en retranchant quelque chose au monde

qu’un corps peut apparaître

les oiseaux le savent

eux qui suivent les nuages qui se défont

à force de voyages

l’enfant aussi le sait

lui qui devant le vieil homme en pleurs

s’assoit sur ses genoux

sans rien dire

juste pour l’aider à pleurer

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