Avions-nous trop faim, trop soif, trop envie de nous parler au fur et à mesure que nous arrivions seuls ou en groupes dans l’appartement de François ? Avions-nous inconsciemment besoin de prolonger l’attente ? Le fait est que nous avons eu beaucoup de mal à commencer la séance de lectures, pris que nous étions dans nos conversations animées.
Ce soir-là nous étions 17 réunis autour du Buffet de victuailles et de nourritures littéraires. Quelques personnes, habituellement là, absentes (Agnès Adda et Mireille Florian Diaz par exemple) d’autres exceptionnellement présentes, d’autres enfin revenues après une éclipse de plusieurs séances (Catherine Seghers et Rached).
Quand François réussit à grand peine à nous rendre silencieux et attentifs, il nous parla (à juste titre) avec enthousiasme du dernier roman d’Isabelle Minière, *Au pied de la lettre (Serge Safran, éditeur) dont il lut un passage et dont Isabelle lut également un extrait des plus désopilants (voir article dans la rubrique « Livre du mois » du blog ) . A partir de ce moment le thème de l’attente n’était pas seulement lancé mais vécu de l’intérieur par tout un chacun et nous avons dû ronger notre frein car Isabelle était venue sans son ouvrage et nous serions donc obligés d’attendre pour le dévorer ne serait-ce que le lendemain !
François proposa alors que le thème de l’attente soit amorcé par la lecture de poèmes ou d’extraits de romans d’auteurs dits « classiques ».
Rached lut « le coin » de Guillaume Apollinaire, poème du recueil Le Guetteur mélancolique (Poésie/Gallimard)
Catherine Seghers lut un extrait de La ligne d’ombre de Conrad et Jean-Pascal Février un extrait de La Promesse de l’aube de Romain Gary : quel équilibre entre l’attente dramatique de l’un, la cocasserie irrésistible de l’autre !
Ayant pris le parti de faire précéder et suivre ma propre contribution d’un poème d’Apollinaire et de Paul Valéry, j’ai senti que lire * Telle est l’attente serait le moment charnière après lequel il n’y aurait plus que des textes inédits.
Christian Meylhiet accompagné de son accordéon a chanté une première fois Jacques Higelin, La Rousse au Chocolat.
Par deux fois, le thème de l’attente a malicieusement été mis en abyme par rapport au Buffet littéraire : une première fois avec Isabelle Camarrieu avec son texte *Attente puis *L’attente – Queshua (jouant sur les signifiants du terme) et un peu plus tard dans la soirée, on a retrouvé cette même intention avec le texte de Nicole Goujon lu par François en l’absence de Nicole Goujon *Dix ans d’attente, à la fois clin d’œil aux dix ans du Buffet et au supplice de l’attente que chacun ressent à l’idée de lire à chaque fois sa contribution : beaucoup d’humour et de détente, une fois encore…
*Alain Minod a lu Le moment du poème (Petit manifeste)
*Anne Tasso Monologue intérieur
*Isabelle Minière trois haiku Attendre
*François Minod A suivre
Puis Christian a de nouveau chanté Jacques Higelin, Lettre à la petite amie de l’ennemi public n°1, toujours bien évidemment accompagné de son accordéon.
Enfin Catherine Jarret a lu son texte intitulé *« Histoire d’une tour ».
Il y eut par ailleurs un petit rab avec la lecture de deux textes de François Minod extraits de Grain à moudre (Éditions Hesse, 2009) à deux voix : celle de François et de son ami comédien, Jean-Marie Villessot.
Il était temps de s’égailler dans la nuit parisienne en attendant de fêter les dix ans du Buffet !
Dominique Zinenberg.