Je la croyais avec moi
Je veux dire dans mes notes
Je l’ai cherchée partout
J’ai cherché le mot trait  le mot ligne
les mots parallèle  perpendiculaire mais elle n’est apparue nulle part.

Tout à l’heure 
devant les vieux pommiers fraîchement taillés
elle était là.
Enfin… 
l’une d’elles était là. 
Un peu large toutefois.
Je ne savais pas alors que la mienne s’était envolée
et j’ai repensé à la mienne, 
me réjouissant de la retrouver. 
Quelle erreur. 

Je l’avais pourtant peaufinée,
j’avais travaillé à la rendre plus harmonieuse 
je lui avais inventé des manques :
quelques brisures 
réparées bien sûr ,
je crois même avoir indiqué qu’il arrivait parfois malheur à certaines
et à leur occupant transitoire, évidemment,
et exprimé que certains les oubliaient : oui oui oubliaient abandonnaient, comme vous
voudrez, et ce, beaucoup plus fréquemment qu’on ne l’imagine,  il y a bien des gens qui oublient leur enfant dans une voiture,  
que le lierre, se développant,  les recouvrait, et que seul le hasard, disons
une tempête une pioche une débroussailleuse, que sais-je, permettait d’en distinguer
dans l’herbe haute ou contre les pierres fissurées d’une maison ancienne, un petit bras ,
parfois raide lisse péremptoire comme un I en majuscule, mais le plus souvent habité :
une ville, avec sa population blanche et molle circulant sous de hautes voûtes patiemment
élaborées dans des conditions que je n’ai encore jamais explorées. 
Il va sans dire que tenter de s’emparer de ce bras-là est pour le moins mal avisé. 
Il explose entre les doigts, se transforme en moignons, en grumeaux, suinte, pénètre sous les
ongles, et on le rejette au loin, dispersant la ville, ses galeries passantes, marchandes,
exterminant ses voûtes ancestrales et leurs habitants blancs et mous. 

Je disais donc que je la croyais avec moi, sur moi au chaud dans ma poche de poitrine,
prête à tout instant, 
nue et complaisante, 
à se livrer à mon regard, 
à mon oreille
à mon désir de perfection 
pour être re accommodée, allégée, un pied en plus un pied en moins,
mais pas de vers, non, pas de vers ..
prête également à se livrer à mon oreille, disais-je,
à mon intention de la faire chanter, juste s’il est possible, 
et elle commençait à chanter,
même quand je la peignais bancale, une jambe plus courte que l’autre ou édentée,
_ c’est bien sûr une image _, 
elle chantait joliment, elle rapportait des rêves, des contes ,
délivrait des histoires à dormir debout 
surtout quand elle filait vers le ciel, les pattes bien enfoncées dans le sol
et que son occupant éphémère se prénommait Jacob.. 
si élégante
et puis
arriva ce qui arriva. 

Je l’ai cherchée partout 
dans les milliers de notes fluides, volatiles,
d’une machine qui tenait dans ma poche de poitrine. 
La poche était toujours là
et la poitrine et la machine, 
mais , elle, 
s’était volatilisée , 
littéralement, et,
c’est le cas de le dire, 
envolée . 
En-vo-lée . 

À une échelle, me direz-vous, c’est peut-être ce qui pouvait arriver de plus beau. 

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s