Les hommes voudraient dans le pur de leur intention, et un élan de rationalité, aller droit au but. Croit-on. C’est sans compter les accidents qui se présentent sur le chemin, et qui loin s’en faut, ne sont pas seulement des ennuis, des détours en forme de perte de temps. Il arrive qu’une chose inconnue se mette en travers. Biais au but. Encore faut-il à l’homme la capacité de le remarquer. Puis de s’y appesantir pour le réfléchir. L’ « accident »  tel une boule de billard, percute la trajectoire mentale : transmission cinétique, l’aiguille aimantée de la volonté première se vrille. Et voilà l’homme de l’heuristique intrigué, ramassant des morceaux de raisonnement qui lui font assembler un puzzle encore pour lui, inimaginé. Avec la sérendipité, le voilà ragaillardi et inspiré par un tout nouvel objet. Et de laisser tomber son intention première pour mieux explorer ce qui de plus en plus prend l’importance d’une belle opportunité. Fructueux détour qui fait faire à nos savants des quarts de tour ou des révolutions sur leur façon de trouver de la nouveauté. Colle, téflon, pénicilline furent d’abord des déceptions. Puis nous firent faire des bonds, dans le progrès !

 

 

Le détour du clown  (autoportrait)

 

Du côté sinistre vit un personnage qui connait les limites.  Du soi, du monde. La gravité lui est caractère en même temps qu’énoncé de sa condition physique. Du côté de l’humain, il sait la noirceur, la voit chaque année faucher les champs de corps sous la faux des pouvoirs, des peurs irraisonnées, du désir cinglant d’égalité, de l’effroyable vide.

Comme un enfant égaie sa journée en ornant son oreille d’une modeste et merveilleuse pâquerette, pour faire une trouée dans tout ce manque de sens, ce clown déguisé en femme ordinaire fait dentelle de mots agencés pour agacer la logique, faire danser ses enchainements, deserrer ses calculs, histoire de faire apparaître des sourires fugaces sur la tristesse de sa propre face.

Avec des riens, tiens, un seul confetti rose qu’il fait virevolter, placé sous le projecteur, il efface le gros fond de noirceur. 

 

 

Détours dans le gravier

 Le jardin japonais. Paisible. Son gravier étalé. Les raies du rateau dessinent sa régularité . Une pierre. À quelques raies plus loin, une autre. Comme un animal couché. La blancheur en contraste. Petites ombres éparpillées. Dent de lait tombées. Le vent pour idéal. Le soleil pour couturier. Halo d’organza à la limite du bleuté. Aux creux des ombres des séculaires pierres. Leurs cernes admirées. Sur ces sillons gravés, l’oeil s’attarde sur cette sinuosité. Sur sa brillance, en piqure de rayon. Au couchant. Paix immuabilité. L’esprit à y vagabonder s’est retiré.  Approfondi. Le souffle sans céder. Rythmé. S’estompe. Engourdi. Délicieux.

 

 

Ma terre 

Ma terre est là aux racines des platanes aux genoux gros de noeuds. Ma terre est là dans les taillis bruns où une pousse verte luit. À la verdure du ruisseau aux bords charnus de vulve, aux chemins blancs désordonnés qui bifurquent. Ma terre est là, noircissant les hameaux de séchoirs à tabac. Plantant ses rangs pour aligner les sarments. Ma terre et ses étalements de toits – grisaille de papillons de nuit. Ma terre que je n’entrevois plus dans le fouillis des bosquets. Par un pont massif aux piliers en étrave, ma terre n’a pas l’air d’avoir soif. Ma terre de tuteurs et de rosiers, pour s’assurer du vin, et de sa santé. Ma terre quelque fois encloquée de grands hangars maussades. Ma terre aux colonnes de pierres, aux portes des cimetières. De grilles mal fermées, sur leur matérialité délaissée. Ma terre aux volets rouges, aux pierres blanches. Ma terre aux murailles de lierre éclaboussées. Ma terre aux luisances d’eau de lisière de forêt. Ma terre et son roulement des r. Désormais relégués même par les plus anciens palais. Ma terre aux pins remplaçants. Aux chênes ou aux buis déjà décimés. Ma terre aux toits d’ardoise pour s’embourgeoiser dans les châteaux à boire. Ma terre aux grilles défraichies. Aux fers forgés rouillés ; ponctuée d’un ou deux cyprès, ma terre auréolée de bâches pour exsuder un printemps prématuré. Ma terre et l’oiseau roux dans le soleil grillé. Ma terre : quelle tristesse d’à nouveau te respirer sans espoir de les y retrouver.

 

Hors du contrôle magique,

Les stases des stations,

Sur le chemin du supplicié

Se joue le rôle d’intercession

 

La graduelle cruauté

Augmentant l’intensité

De la douleur ressentie

 

Le sacrifice dans un masochisme d’acmé

Se sanctifie le dépassement où l’introjection achevée

Joue une transcendance

Où seule l’incomplétude fait sens

 

L’homme dans cette course

Dans  son propre anéantissement

Offrande à sa psyché

S’ouvre le pouvoir divin

En face de médaille adverse

À la déception de son pouvoir réel

Il se voit incapable de décupler multiplier ressusciter qui ou quoi que ce soit.

 

Alors il invente une fiction qui renverse

Le préexistant en dogme symbolique.

La croyance est un pari

Une lutte narcissique désespérée.

 

 

 

 

 

 

 

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