Il y a le tour
Le retour, et entre les deux un deux trois détours.
Par exemple des ronds de ficelle qui s’enroulent,
Bien volontiers, amoureusement, ça love.
Je le voulais lui et le cherchais donc par les rues, je le suivais
Mais il me devançait indifférent.
Pour moi, un homme était une espèce rare, mystérieuse, très intéressante.
Comment l’aborder ?
A l’époque, on pouvait se cacher derrière les portes cochères, il n’y avait pas de code.
Un soir que je le suivai pour voir où il habitait, j’eus une idée.
C’était le soir du 14 juillet, le bal du bout de l’Ile se préparait.
On entendait fredonner “Love me tender !” qui plus tard ferait tanguer les danseurs sous les étoiles.
Des musiciens arrivaient pour répéter. Tout d’un coup il était là,
le dos tourné. Il regardait la Seine, au bout de l’Ile. Le jour tombait.
Comment faire ?
L’idée fut justement un détour. Un détour coquin qui n’aboutit pas.
A l’époque, on pouvait marcher pieds nus sur le macadam.
De même, on se baignait dans la Seine, en bas du square. Il suffisait de descendre
du pont par un côté. Enfin, prudent ou pas, je le faisais.
Mon détour fut une question, une question posée qui n’avait pas de sens.
Comme lorsque l’on est affolé et qu’on dit n’importe quoi.
Je fis le tour Je le vois encore avancer devant moi, sans se retourner.
Il avait la nuque de mon père en rêve. Celle sur la photo que j’avais,
l’unique photo de lui, étranger sans regard
Son tour de cou me paraissait énorme.
Il passa le pont Sully Morland, le mien, mon pont jusqu’à l’Ile St Louis
Et comme c’est facile de faire le tour, par là, en contournant le bout justement,
Je revins sur mes pas à sa hauteur, de face. Je vis autre chose que prévu. Ce que je vis
qui me détourna, c’est rien sous l’imperméable, un imperméable léger, d’été.
Ma question s’enroula sur elle-même puis, en trois petits tours, ce fut un noeud,
Un noeud qui coula ma question, la question principale, avec pour verbe, un animal
Cet animal nu sous l’imperméable.
Un soir de 14 juillet,