La main pour dire l’amour
Gant blanc du magicien
Laissé sur le velours
D’un divan
Cinq doigts ont repris leur bien
En coup de vent
Ont dérobé sous un corsage
La pomme vermeille d’un fraisier
Dorénavant empoisonné
L’arbre pour dire l’oiseau
Une feuille légère s’envole sans un mot
Le chant d’une aile vient bercer le rameau
Où la fleur en délivrance
Laisse au fruit qui éclot
Les plumes défleuries de sa première enfance
La voix pour dire l’absence
Une empreinte dans la neige
N’allant aucun chemin
Un homme au pied du mur
Où un cri s’est jeté
Le cri qu’on n’entend pas
Un train, au loin, disparaît
Couvre l’intenable distance
Entre ce qui n’est plus et ce qui déjà
S’endort pour la naissance
Sur une robe blanche
Une tache de sang
Pour dire la violence
Ce qui ne se peut pas
L’effroyable qu’on garde
Qu’au bord de la margelle
Ce puits noir en soi
On ne peut s’empêcher
En sa pupille hagarde
D’en voir
L’ombre jumelle
L’ornière pour dire l’angoisse
Du tremblement du temps
La ride dans la chair
Profonde après qu’infime
L’entaille sur la terre
Où le pied bot de nos vies infirmes
Va glissant
De lettres en syllabes en silences
Le poème estropié, claudiquant, chancelant
Au fil des ruisseaux
Dans le lit des rivières
Les méandres des fleuves
Pousse sa barque frêle
Sa voile déchirée
Son fabuleux radeau
Vers les non lieux
Les points de non retour
Archipel hors du temps
De l’enfance perdue
Les maisons abandonnées
Les cimetières arborés
De rives en rêves revenant
Tentant d’impalpables contours
Le poème pour dire simplement
Doit faire son détour