Récemment je me suis découvert un noyau dur. Cette révélation n’a pas fini de me surprendre, je le pressens, comme entre les chairs fondantes de l’abricot, l’apparition sombre et grandiose de son noyau, ou celle du coeur sec et fripé de la pêche soyeuse. C’est bien ça : une résistance, sous la pulpe des apparences.
J’avais bien perçu quelquefois au-dedans comme une tête d’épingle : à travers les larmes, dans quelques rares accès de colère immédiatement refoulés ; un moteur vital parfaitement invisible et silencieux qu’aucune agression du monde (et Dieu sait s’il en fourbit ! ) ne parvenait à entamer. Mais bon ! Tous les fruits ont leur dignité, même les plus courants à l’étalage : la couleur, le teint, le velouté ! Et puis, l’appel du vivre et du jouir était trop forte pour s’attarder aux élucubrations romanesques et romantiques de l’analyse de soi.
Aux vents d’automne les chairs s’amenuisent, les sucs se renfrognent. Libérés de leur gangue plantureuse, les troncs arborent leur squelette où ne tarît point la sève. C’est en cette saison où l’on y voit clair qu’il s’est révélé : JE, JE, le Verbe performatif comme en sa genèse – sans doute aucun, mon noyau dur, luisant au centre de la caisse où s’accumulent les reliquats de l’été.
Hâte-toi, lecteur, de l’enfouir en terre dans l’hiver et qu’il fructifie, car il est de bonne semence !