Jour et nuit, ils marchent, ils ne peuvent pas s’arrêter, ils marchent sur le bitume, sur les chemins terreux, sur les pistes sablonneuses, inlassablement, silencieusement, ils marchent en file indienne, ils sont des dizaines, peut-être des centaines à marcher sans mot dire, juste marcher, sans jamais se retourner, jamais, ils avancent pas à pas, une deux, une deux, une deux, une deux, ce sont peut-être des pénitents qui marchent pour expier, personne ne sait où ils vont ni d’où ils viennent, ils marchent dans les villes, les villages, les lieux-dits, ils marchent dans la brume au crépuscule, ils marchent quand le soleil est au zénith, ils marchent sous la pluie battante, ils marchent dans la neige immaculée, rien ne les arrête dans leur lente procession, ils sont des milliers à cheminer sur les routes de France, entraînant sans les solliciter de nouveaux adeptes à chacune de leurs étapes, jeunes, vieux, artisans, ouvriers, cadres bancaires, clercs de paysans, commerçants, notaire, et tant d’autres encore, ils sont des centaines de milliers maintenant, peut-être des millions à marcher en file indienne, silencieusement, sans raison apparente, ils marchent et, sans s’en apercevoir, ils construisent leur chemin, le chemin de la vie errante.
Et moi, je suis assis, immobile et je vaque à mes divagations sans rien en faire paraître.