Répétez après moi dit le maître. Allez, mieux que ça, tous ensemble, plus dis-tinc-te-ment, je ne vous entends pas !

Les voix des enfants renvoient celle du maître. Répètent sur le même ton, au même rythme. Dociles, soumises. Les voix rebondissent comme les balles qu’on projette sur le mur à la récréation, et qui, inlassablement, reviennent aux lanceurs.

Mais toi, sache que si tu es dotée d’un franc parler, si tu ne peux tenir ta langue, si ta voix est dissonante, si tu joues ta propre partition, la voix du maître saura te faire retour : « Chut ! tu parles à tort et à travers ! Tu parles trop ! Tu es à l’école Nicole !». Echo…, école…, Nicole…, ça résonne et ça s’embrouille.

Allo le mur, tu m’entends ? Coucou ma voix, c’est bien toi ? Tu es là ? Cesse de me répéter ! Réponds-moi plutôt ! Tu te moques de moi ! Tais-toi si tu ne sais pas parler ! Mais si tu oses, montre-toi… toi… toi… toi…, toi es-tu moi ?

Je redis plus fort Toi ! Moi !… Facétie ! Malice !… La voix des pierres, voix envoûtante, mystérieuse, noue et renoue ses boucles de sons. La confrontation à ma propre voix est impossible, le dialogue suspendu, de quoi sombrer dans la folie du retour sans fin si ce n’était que la voix des pierres se fatigue, s’atténue, se dégrade, puis se tait. Les mots rendent l’âme.

Répétez après moi, dit le maître.

Les enfants répètent, renvoient les sons à l’unisson. Les voix se fondent, se confondent. Parfois, des mots restent là, bloqués dans la gorge, mais qui n’osent pas s’avancer seuls,

et ce mur de pierres qui s’entête à me mettre à l’épreuve.

Echo revient toujours, espéré, désespérant.

Entre l’élan de ma voix et son retour, dans cet écart, dans ce battement, s’engouffre l’impuissance à raccorder corps et voix, l’impuissance à faire corps avec ce que je dis. 

Echo ne connait pas le temps du déploiement des récits.

Echo n’a jamais su raconter d’histoires car elle ignore tout des êtres incertains, fabuleux, romanesques, libres. Echo est à jamais la voix de son maître.

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