̶  Effacé, j’ai tout effacé, d’un seul coup, d’un seul,

plus de traces, y a plus qu’à faire du neuf.

 ̶  On pourrait peut-être commencer par faire du cinq.

̶  Oui, c’est peut-être judicieux de commencer par le

cinq même si le neuf paraît comme dire, plus nouveau.

̶  Les gens veulent du stable, du rassurant en tant de

crise. Partir sur du neuf d’emblée, ça peut les déstabiliser.

̶  Alors que le cinq, ça dure. Un quinquennat ce n’est pas rien

tout de même, même si.

̶  Et les traces ?

̶  Quoi les traces?

̶  Vous les avez toutes effacées, ça risque de poser problème.

 ̶  Ne vous inquiétez pas, on va arranger ça.

̶  Comment ?

̶  On va faire comme si elles existaient toujours, les traces.

 ̶  Dites-moi.

̶  On va les reconstituer virtuellement. En 3 D.

̶  Ah ça, je n’y aurai pas pensé. Très fort.

̶  Du coup, on va proposer de faire du cinq en leur vendant les traces numériques. Et après, lorsqu’ils seront en confiance, on passera au neuf, en les effaçant. On dira qu’il y a eu un bug et ni une ni deux, tout le monde fera du neuf.

 ̶  Reçu cinq sur cinq, bravo l’artiste.

                                            *

François Minod, Tant que les mots disent, Editions Hesse, 2015, P.30

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