L’idéal du blanc

Nicole Goujon

Mince ! A peine ai-je écrit le titre que voilà une grosse tache qui s’étale sur ma feuille ! Un pâté devrais-je dire ! Bon…, je mets du blanc, je cache, et je poursuis

C’est la robe de mariée l’élément liminaire du récit. Comme au cinéma, le blanc franchit le seuil de la maison, pénètre l’intimité, porté dans les bras puissants du mari. Une promesse de bonheur ! Passées les premières nuits blanches, la femme engage vite des travaux domestiques. Sensible à l’insidieuse autorité publicitaire, la jeune et jolie fée enfourche le balai de la sorcière, et voilà que la femme de méninges se double d’une femme de ménage, décidée à réaliser l’idéal du blanc : laver, récurer, javelliser, shampouiner, blanchir du sol au plafond comme la tornade vue à la télévision.

et toujours ce stylo qui fuit, qui laisse des traînées ! Bon, je passe au crayon noir

Pour tenter de minimiser ses efforts, elle déroule une litanie de précautions et d’avertissements qui se multiplieront à l’arrivée des enfants : attention à ta chemise ! essuie tes pieds en entrant ! ne renverse pas ! éponge vite la tache ! ne laisse rien traîner, ramasse-range-remet à sa place… Que tout soit net, propre, impeccable, sans trace et sans reproche ! Une maison étincelante qui éblouira famille et amis. Bing !

ma feuille n’est que ratures et griffonnages ! Les mots cochonnés deviennent illisibles ! Donc je gomme, je gomme, j’essaie d’éliminer, de nettoyer…, que ce soit un peu plus clair

En parfaite contrôleuse du blanc et du propre, elle perfectionne des gestes séculaires, maniaques, obsessionnels, automates. Au comparatif, parfois elle atteint juste « un blanc-gris », souvent « un blanc de blanc », et de temps en temps « un plus blanc que blanc » ! Voyez ces draps-torchons-serviettes-chemises impeccables, ces éviers-lavabos-douches-carrelages brillants de mille feux ! Que la vie est belle dans ce blanc immaculé, miroir mon beau miroir dis-moi… Les cuisine-salle-de-bains-toilettes ressemblent à des laboratoires, contrôlés, aseptisés, cliniques, règne de l’hygiène chirurgicale. Elle opère avec des gants, à coups de lessives, de récurrents, de détergents, de désinfectants. Elle chasse l’impureté, le microbe et autres bêtes noires ! Que rien ne vienne « plus jamais » entacher ce bel idéal !

Mais, en la matière le « plus jamais » n’est qu’un rêve, ou un cauchemar ! Le blanc tyrannique exige un incessant retour à la case départ, un épuisant recommencement, une contrainte quotidienne. Voyez Sisyphe dans l’intimité de sa Maison Blanche, Sisyphe frottant le sol, Sisyphe les mains dans la bassine, Sisyphe actionnant ses robots domestiques, Sisyphe aux cheveux blancs avec son idéal déçu de grande lessive et de paradis immaculé.

et pendant ce temps, je continue de biffer, de barbouiller ma page comme une enfant malpropre. Ce qui me rassure c’est de savoir que, toutes ces traces et tout ce noir-cracra disparaitront ! Quand mon texte passera à la lessiveuse de l’ordinateur, il sortira tout beau-tout propre ! Les mots, les paragraphes seront sagement alignés, ménageant le blanc des interlignes. Et le manuscrit cochonné, lui, passera à la poubelle. Ni vu ni lu !… A la lecture, on pensera que l’autrice n’a connu ni hésitations ni repentirs… Elle rejoindra les rangs des travailleuses au noir !

Mince ! A peine ai-je écrit le titre que voilà une grosse tache qui s’étale sur ma feuille ! Un pâté devrais-je dire ! Bon…, je mets du blanc, je cache, et je poursuis

C’est la robe de mariée l’élément liminaire du récit. Comme au cinéma, le blanc franchit le seuil de la maison, pénètre l’intimité, porté dans les bras puissants du mari. Une promesse de bonheur ! Passées les premières nuits blanches, la femme engage vite des travaux domestiques. Sensible à l’insidieuse autorité publicitaire, la jeune et jolie fée enfourche le balai de la sorcière, et voilà que la femme de méninges se double d’une femme de ménage, décidée à réaliser l’idéal du blanc : laver, récurer, javelliser, shampouiner, blanchir du sol au plafond comme la tornade vue à la télévision.

et toujours ce stylo qui fuit, qui laisse des traînées ! Bon, je passe au crayon noir

Pour tenter de minimiser ses efforts, elle déroule une litanie de précautions et d’avertissements qui se multiplieront à l’arrivée des enfants : attention à ta chemise ! essuie tes pieds en entrant ! ne renverse pas ! éponge vite la tache ! ne laisse rien traîner, ramasse-range-remet à sa place… Que tout soit net, propre, impeccable, sans trace et sans reproche ! Une maison étincelante qui éblouira famille et amis. Bing !

ma feuille n’est que ratures et griffonnages ! Les mots cochonnés deviennent illisibles ! Donc je gomme, je gomme, j’essaie d’éliminer, de nettoyer…, que ce soit un peu plus clair

En parfaite contrôleuse du blanc et du propre, elle perfectionne des gestes séculaires, maniaques, obsessionnels, automates. Au comparatif, parfois elle atteint juste « un blanc-gris », souvent « un blanc de blanc », et de temps en temps « un plus blanc que blanc » ! Voyez ces draps-torchons-serviettes-chemises impeccables, ces éviers-lavabos-douches-carrelages brillants de mille feux ! Que la vie est belle dans ce blanc immaculé, miroir mon beau miroir dis-moi… Les cuisine-salle-de-bains-toilettes ressemblent à des laboratoires, contrôlés, aseptisés, cliniques, règne de l’hygiène chirurgicale. Elle opère avec des gants, à coups de lessives, de récurrents, de détergents, de désinfectants. Elle chasse l’impureté, le microbe et autres bêtes noires ! Que rien ne vienne « plus jamais » entacher ce bel idéal !

Mais, en la matière le « plus jamais » n’est qu’un rêve, ou un cauchemar ! Le blanc tyrannique exige un incessant retour à la case départ, un épuisant recommencement, une contrainte quotidienne. Voyez Sisyphe dans l’intimité de sa Maison Blanche, Sisyphe frottant le sol, Sisyphe les mains dans la bassine, Sisyphe actionnant ses robots domestiques, Sisyphe aux cheveux blancs avec son idéal déçu de grande lessive et de paradis immaculé.

et pendant ce temps, je continue de biffer, de barbouiller ma page comme une enfant malpropre. Ce qui me rassure c’est de savoir que, toutes ces traces et tout ce noir-cracra disparaitront ! Quand mon texte passera à la lessiveuse de l’ordinateur, il sortira tout beau-tout propre ! Les mots, les paragraphes seront sagement alignés, ménageant le blanc des interlignes. Et le manuscrit cochonné, lui, passera à la poubelle. Ni vu ni lu !… A la lecture, on pensera que l’autrice n’a connu ni hésitations ni repentirs… Elle rejoindra les rangs des travailleuses au noir !

Mince ! A peine ai-je écrit le titre que voilà une grosse tache qui s’étale sur ma feuille ! Un pâté devrais-je dire ! Bon…, je mets du blanc, je cache, et je poursuis

C’est la robe de mariée l’élément liminaire du récit. Comme au cinéma, le blanc franchit le seuil de la maison, pénètre l’intimité, porté dans les bras puissants du mari. Une promesse de bonheur ! Passées les premières nuits blanches, la femme engage vite des travaux domestiques. Sensible à l’insidieuse autorité publicitaire, la jeune et jolie fée enfourche le balai de la sorcière, et voilà que la femme de méninges se double d’une femme de ménage, décidée à réaliser l’idéal du blanc : laver, récurer, javelliser, shampouiner, blanchir du sol au plafond comme la tornade vue à la télévision.

et toujours ce stylo qui fuit, qui laisse des traînées ! Bon, je passe au crayon noir

Pour tenter de minimiser ses efforts, elle déroule une litanie de précautions et d’avertissements qui se multiplieront à l’arrivée des enfants : attention à ta chemise ! essuie tes pieds en entrant ! ne renverse pas ! éponge vite la tache ! ne laisse rien traîner, ramasse-range-remet à sa place… Que tout soit net, propre, impeccable, sans trace et sans reproche ! Une maison étincelante qui éblouira famille et amis. Bing !

ma feuille n’est que ratures et griffonnages ! Les mots cochonnés deviennent illisibles ! Donc je gomme, je gomme, j’essaie d’éliminer, de nettoyer…, que ce soit un peu plus clair

En parfaite contrôleuse du blanc et du propre, elle perfectionne des gestes séculaires, maniaques, obsessionnels, automates. Au comparatif, parfois elle atteint juste « un blanc-gris », souvent « un blanc de blanc », et de temps en temps « un plus blanc que blanc » ! Voyez ces draps-torchons-serviettes-chemises impeccables, ces éviers-lavabos-douches-carrelages brillants de mille feux ! Que la vie est belle dans ce blanc immaculé, miroir mon beau miroir dis-moi… Les cuisine-salle-de-bains-toilettes ressemblent à des laboratoires, contrôlés, aseptisés, cliniques, règne de l’hygiène chirurgicale. Elle opère avec des gants, à coups de lessives, de récurrents, de détergents, de désinfectants. Elle chasse l’impureté, le microbe et autres bêtes noires ! Que rien ne vienne « plus jamais » entacher ce bel idéal !

Mais, en la matière le « plus jamais » n’est qu’un rêve, ou un cauchemar ! Le blanc tyrannique exige un incessant retour à la case départ, un épuisant recommencement, une contrainte quotidienne. Voyez Sisyphe dans l’intimité de sa Maison Blanche, Sisyphe frottant le sol, Sisyphe les mains dans la bassine, Sisyphe actionnant ses robots domestiques, Sisyphe aux cheveux blancs avec son idéal déçu de grande lessive et de paradis immaculé.

et pendant ce temps, je continue de biffer, de barbouiller ma page comme une enfant malpropre. Ce qui me rassure c’est de savoir que, toutes ces traces et tout ce noir-cracra disparaitront ! Quand mon texte passera à la lessiveuse de l’ordinateur, il sortira tout beau-tout propre ! Les mots, les paragraphes seront sagement alignés, ménageant le blanc des interlignes. Et le manuscrit cochonné, lui, passera à la poubelle. Ni vu ni lu !… A la lecture, on pensera que l’autrice n’a connu ni hésitations ni repentirs… Elle rejoindra les rangs des travailleuses au noir !

Bernard Fournier

Etoile filante

la pierre a volé

volté

virevolté

d’une planète à l’autre

*

elle a dansé

dans le firmament

une chorégraphie

hallucinée

aux yeux des télescopes

et des étoiles

*

elle a dansé

comme le cygne chante

pour tirer sa révérence

*

rouée, roulée, déroutée

elle a troublé la Mer de la Tranquillité

bousculé les astres

ébréché les étoiles

écorché les planètes

*

échappée de la Voie lactée,

de Saturne qui mange ses enfants

elle porte encore la marque

sur son flanc

d’un coup de dent

*

marquée, scarifiée, incisée

elle se dénude, se desquame, se dépouille

à force de traversées

d’atmosphère en atmosphère

*

elle s’émiette

s’épluche

s’émonde

brillamment

à chacun de ses frôlements

*

une autre planète

et c’est

un nouveau frissonnement

un nouveau froissement

un nouvel affrontement

*

encore un passage

elle aurait perdu sa soie

le velours de sa robe

dans sa course céleste

*

encore un passage

elle aurait été nue

c’est-à-dire rien

poussière

particule

dépouille

personne

*

encore un passage

elle aurait disparu

je ne l’aurai pas connue

j’aurai perdu sa mémoire

*

la voilà nue

nue et noire

loin de la flamme qu’elle fut

loin du feu

loin de la fête

*

l’effeuiller

comme l’on fait d’une fleur

la déballer

comme l’on fait d’un cadeau

présent du ciel

*

marguerite céleste

elle s’effeuille

jusqu’à quel cœur ?

*

spectacle sidérant

que ce strip-tease sidéral

*

quel nue est-elle ?

pour quel désir ?

*

et maintenant ?

elle n’est plus rien

plus personne

nue

seule

noire

*

pierre

méprisée

oubliée

refusée

brûlée d’oubli

désertée

*

simple caillou

céleste

brimborion

babiole

bricole

anonyme

inconnu des télescopes

*

peut-être y a-t-il

dans l’air

une de ses poussières

bribes de soleil

mémoire latente

mais non

il n’y a personne

De la geste encore Michel Cassir

                     I

donne le la de lac

celui de la geste

ou ce geste là

le et la geste

traversent

le doigté de voix

en-deçà

la justesse

aujourd’hui ni demain

ne sauraient prouver

que la précision de flèche

puisse unir

le geste à la geste

ni que le poème

se pulvérise

en épopée

qui de nuit

l’éclaire

          II

en scooter à dos d’étudiant

la geste s’avère

plus agile et dissimulée      

que panthère

de l’an mille

Buffet Littéraire de mars 2024

Geste Catherine Bruneau-Chassefière

L’éloquente / Main-d’œuvre Agnès Adda

Poèmes extraits de Faire parler son âme  Eric Chassefière

C’était ce cri ..Catherine Jarrett

Ce geste Bernard Fournier

Envols Dominique Zinenberg

« Le geste auguste du semeur » ( V. H. Poésie – tome VII – Saison des semailles -)                                                   Francis  B. d’AZAY

De la geste encore Michel Cassir

La beauté du geste Yves Bichet

Le geste d’écrire Mireille Diaz-Florian

De l’infime à l’immense Danielle MARTY

Geste / Distributeur Isabelle Camarrieu

Ce geste Nicole Goujon

Ce geste Nicole Goujon

Je t’ai vu !… Je t’ai vu le faire !… Tu as osé !… Tu savais que tu ne devais pas… Tu le savais… mais… tu l’as fait quand même !

Je t’ai vu quand… ce geste… tu l’as fait malgré… malgré qu’il ne fallait pas ! On t’avait dit… il ne fallait pas ! Tu le savais !

Pourquoi, oui, pourquoi ?… Pourquoi, toi, as-tu osé le faire ?… Le faire pour de vrai cette fois… Tout seul !… Tu aurais dû tenir bon encore, plus longtemps. Ne pas céder. Même en ces circonstances, même pour toutes ces raisons que toi et moi connaissons, ce geste-là, tu ne devais pas le faire. Mais ça a été plus fort que toi !

… et tu ne dis rien !

Tu sais, oui, tu sais parfaitement… ce sera retenu contre toi… et contre moi aussi !

Ce geste-là, on ne pourra pas le réparer, on ne pourra pas revenir en arrière, faire comme si tout ça n’avait pas eu lieu.

Un geste comme celui-là, ça ne s’efface pas, ça laisse des traces, ça persiste à tout jamais dans les mémoires, et ça passe les générations, tu comprends ?…

… et tu ne dis toujours rien !

Il y en a d’autres qui t’ont vu ! Je les ai vus te voir ! Ils s’étaient cachés, mais ils n’ont rien perdu de la scène. Ils craignaient que ça finisse mal. Personne n’a bougé, espérant que non, tu n’irais pas jusqu’au bout, non, pas si loin tout de même !  Pas ça !… Pas comme ça !… Et puis j’ai vu la peur dans leurs regards…

… et dire qu’il va falloir vivre avec ça maintenant ! Comme si la vie n’était pas suffisamment dure à vivre ! Comme s’il n’y avait pas déjà tant de douleur ! On va devoir, en plus, supporter leurs regards réprobateurs et leurs silences glacés, car eux non plus ne parleront pas !

… et toi, tu persistes à te taire !

Avant toi, personne n’avait osé ce geste. Personne n’avait pris ce risque ! Certains auraient pu mais… Quelles que soient les histoires – et dieu sait s’il y en a eu – ça tenait. Je veux dire ça tenait parce que chacun se retenait, chacun redoutait le pire… si… par malheur…. Mais toi tu l’as fait ! Tu as franchi la limite qu’on respectait depuis toujours. Ce geste, tu l’as décidé tout seul ! Tu as réglé les comptes tout seul. Es-tu devenu fou ? As-tu pensé à moi, à nous ?…

Un geste comme ça, on ne sait pas jusqu’où ça peut aller…

Geste Isabelle Camarrieu

Je remonte mon col: hiver

Je lasse mes lacets: enfance

Je plonge dans vos yeux : attirance

Je fourrage dans mon sac: Perte? 

Je baisse le volet: nuit

Et c’est bizarre s’il fait noir, pourquoi occulter? 

Je dévale la rue: nouvelle? 

Je compose le code: communication

Je marche au hasard: liberté

Je chantonne à mi-voix: oubli

Toute dans la mélodie, je m’unifie

Promptement je rattrape : réflexe

Je craque en m’asseyant: âge

Je baille en écoutant: ennui

Au loin, je fixe : habitude

J’inhale longuement: fleur

Je détends les épaules: soulagement 

Je vernis mes ongles: sortie

Je finis la page: poésie !  

Distributeur

L’homme s’est approché. Dans le mouvement de la tête. De chaque côté. Pour s’assurer de la tranquillité. Usure de la marche. Chandail sur son blouson. Rassuré. Sous le bandeau de lampe, grisaille de sa peau sous le poil transperçant. Le monde s’est chiffré. Penché. Sous ses doigts des sons digitaux. Code de coffre. La langue tirée : le billet. Langue de décompte, reliquat de liberté. Dans le retrait. La pluie avait des velléités. La lumière des fuites. Gomme contre macadam. Sur la vitre, la passante emportée sous la masse du bus, sombre dans ses aplats. Homme rapport au manque. Animal au trou d’eau. Dans l’exercice du solde. Il y en a encore ? Insoucieux de son luxe de survie ; se retournant, les épaules moins creuses, la main au menton efface le besoin volatile. Comme si de rien n’était. Un halo de phares. Le rouge se débine, traîne à la stridence de l’eau, là, sur la chaussée. Passage n’éclairant rien sur le motif. Ni sur le fond. Intégrale d’un geste quotidien. 

 Extrait du recueil » des nouvelles du Moi » éditions unicité 2023. Isabelle Camarrieu 

De l’infime à l’immense  Danielle MARTY 

1. Le geste nain

Il fut un temps où la huche à pain offrait son ventre vide

à l’unique miche qui finissait en rondelles dans la soupe

un temps où l’on trempait la soupe 

où l’on trompait la faim

car on ne bouche pas le vide

avec de la mie de pain

on l’enfonce un peu plus loin

et on apprend à feindre.

2. Le geste fourbe

Il y a des gestes que je n’aime pas

ceux qui sont courbes

ceux qui tournent autour du pot

laissent planer le doute

promesse, mensonges et petits fours

dessous de table et goût du jour

ceux qui se font banquiers pour mieux soustraire

ou se réduisent à l’index pour taper sur les touches

ceux encore qui se prétendent poètes

en comptant les pieds sur leurs doigts

pour remporter le jackpot

et augmenter les tirages.

3. La Geste du geste

Peut-être que tout est  geste

sinon pourquoi dirait-ton

qu’il n’y a que les gestes qui comptent

et que  faire un geste  c’est donner quelque chose

une pièce, un  regard, un mouchoir en papier

une poignée de main, une parole de réconfort

à moins d’être un Fou, un Prince ou un Sage

qui considère son corps comme un lieu de passage

et voulant faire un geste royal

change quatre fois par jour de costume

pour le donner aux pauvres

Pour l’anthropologue Marcel Jousse

le geste est la pensée incarnée

l’énergie fondatrice de l’être humain

pour le peintre Van Gogh

le geste suprême est celui du Semeur

pour le poète argentin Juarroz

il est poésie verticale de l’oiseau

qui tombe et sent tout-à-coup

qu’il va continuer à voler

chez mon maître Jacques Lecoq

il est porté par le masque neutre

dans l’Adieu à l’ami qui part sur un bateau

un adieu qui  n’est pas un au revoir

mais un acte de séparation

qui appartient à tous les humains

pour moi il est un geste qui commence en solitaire

et se termine en tous les autres

un geste entre celle qui fut et celle qui viendra

Le geste d’écrire Mireille Diaz-Florian

Sa main a frôlé la page nue.

Elle s’est levée

Elle se tient devant la fenêtre

Encore voilée de jour

Au loin

On distingue

Les lumières d’une ville

Elle s’est installée 

Dans les plis du silence

Son regard a glissé

Sur le contours des choses

Au loin

On devine

La montée de l’ombre

Elle est restée

À la lisière du temps

Là où se perd le décompte

Des heures

Au loin

On discerne

La rumeur d’une ville

Elle s’est approchée

Au plus près de l’instant

Où il lui faudrait ajuster

Le geste à son désir

Au loin l’ombre

S’est appesantie

Sur la ville

Elle a caressé la page nue

Cherché dans les plis du silence

Et le décompte des heures

                     À la lisière des ombres

                                          Au lointain d’une ville

                                                    À ajuster les mots

                                                               À son désir

D’écrire.