1. Le geste nain
Il fut un temps où la huche à pain offrait son ventre vide
à l’unique miche qui finissait en rondelles dans la soupe
un temps où l’on trempait la soupe
où l’on trompait la faim
car on ne bouche pas le vide
avec de la mie de pain
on l’enfonce un peu plus loin
et on apprend à feindre.
2. Le geste fourbe
Il y a des gestes que je n’aime pas
ceux qui sont courbes
ceux qui tournent autour du pot
laissent planer le doute
promesse, mensonges et petits fours
dessous de table et goût du jour
ceux qui se font banquiers pour mieux soustraire
ou se réduisent à l’index pour taper sur les touches
ceux encore qui se prétendent poètes
en comptant les pieds sur leurs doigts
pour remporter le jackpot
et augmenter les tirages.
3. La Geste du geste
Peut-être que tout est geste
sinon pourquoi dirait-ton
qu’il n’y a que les gestes qui comptent
et que faire un geste c’est donner quelque chose
une pièce, un regard, un mouchoir en papier
une poignée de main, une parole de réconfort
à moins d’être un Fou, un Prince ou un Sage
qui considère son corps comme un lieu de passage
et voulant faire un geste royal
change quatre fois par jour de costume
pour le donner aux pauvres
Pour l’anthropologue Marcel Jousse
le geste est la pensée incarnée
l’énergie fondatrice de l’être humain
pour le peintre Van Gogh
le geste suprême est celui du Semeur
pour le poète argentin Juarroz
il est poésie verticale de l’oiseau
qui tombe et sent tout-à-coup
qu’il va continuer à voler
chez mon maître Jacques Lecoq
il est porté par le masque neutre
dans l’Adieu à l’ami qui part sur un bateau
un adieu qui n’est pas un au revoir
mais un acte de séparation
qui appartient à tous les humains
pour moi il est un geste qui commence en solitaire
et se termine en tous les autres
un geste entre celle qui fut et celle qui viendra