Souffleuse

je suis souffleuse de verre

même si mon verre n’est qu’à moitié plein

je te le tends pour que t’y abreuves

je suis souffleuse de vers

même si mes vers boitent

je te les fredonne

pour que l’air tienne ta mémoire en éveil

souffleuse de théâtre

je comble les trous de ta mémoire

tapie dans le trou du plancher de la grande scène du monde

j’y souffle en rafales les orages la neige la révolte la tendresse le désir

les paroles de haine comme les rêves inatteignables

les utopies à venir et les noms imprononçables 

les moutons comme les bulles de savon

souffleuse de bouteilles de vases et de figures

je joue avec le feu la forge est ma demeure mon antre insaisissable

cilice cendre et calcaire en fusion et rotations perpétuelles

mon souffle imprime une forme à l’informe

je souffle la force de la flouve odorante

qui pousse entre les dalles de béton

et celle des racines du séquoia

qui courent entre les tombes du cimetière

je souffle la folie de ces créatures

en quête de vie meilleure

qui  traversent les mers tueuses

sur des bateaux en décomposition

je souffle le pouvoir d’un corps sans conscience

qui se traîne  hors de la cave

un corps qui dicte sa loi à l’esprit

qui avait programmé sa propre mort

mais que la dérision de l’acte a saisi

je souffle ce miroir tendu par le Clown

qui rit de ses enflures et de son désespoir

de n’être qu’un nain dans l’Univers

un reflet errant dans le concert de ses trous noirs

souffleuse d’orgue

à chaque note  j’entends son écho dans ta gorge

toi qui as un souffle au cœur

à chaque inspir un merle siffle dans ta poitrine

et chaque expir est une conquête  

un contre-ut poussé  au sommet  de l’Himalaya

souffleuse au souffle court

je cherche un second souffle

par ta bouche

une idée neuve

dans ta tête

une bougie

dans ton coeur

pour une année de plus

souffleuse à bout de souffle à bout de bronches  à coque vide

à trompettes discordantes  à cheval fou

souffleuse au bout du bout du souffle à sssssous  asssez  à  ffffffeueueu  à ssssiffffle 

allez un pt’tit dernier pour la rout’ pour pas s’cassssser un p’tit pouss’lamort  allez  pousse pousse pousse encore encore encore

chute chute chute

pour qu’advienne le cri le premier cri

celui du corps

en Vie

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