Aller ourdir patience
toujours aller
à pas de loup à pas d’ondin
aller passer traverser
chercher
l’autre au-delà des lisières
celle des elfes et des géants des dragons des fous et des humbles
aller
encore
plus loin
dans la nuit qui se souvient du jour et emprunte aux félins
leurs pupilles lumière
courir entre les fruits d’argent pendeloques de brume
et crier
« là-bas terre! »
aller
au bord du monde
avec pour balai de sorcière les vents coulis les souffles tièdes minces haleines
passer encore et encore
filer
deviner
à l’avers de la branche
lourde exigence du vouloir
ton désir fol
ce parfum
cette musique au rythme qui s’entête
et te fait liane flexueuse et battant corde peau de tambour
bambou sifflant
sifflant jusqu’à perdre le temps le temps et son souvenir
et essaimer
lambeaux de neige
les artifices de l’image
pas d’ancre pour l’enjambeur des champs le fileur de rivières
juste une canne rompue à l’arbre
pour imiter l’élan des grives mouettes et goélands
raser pâtures marais toits moi tourneboulés
car il s’agit aussi de ça
de l’abandon de notre soi
et dans la grâce enfin rendue
de la barrière dure dressée
du mur par ta tête inventé
je fais feu de joie feu de paille
et clinquante sonnera la flamme
autour de quoi viendront danser les bêtes des jours et des nuits
qui comme toi
ondin de vague
arrachant barbelés tours de guets murailles d’acier
s’en iront par les laies humer
ces contrées neuves les plaines longues où galoper
jusqu’au bout
bout qui s’enroule ou qui ondule
bout qui n’existe pas
mais ça ils ne le savent pas
ni toi ni moi ne le savons
et nous filons et nous rompons
et si le carcan trop serré de mille douleurs nous vrille
ce sont encore ces prairies de nos montures imaginaires
qui nous emportent qui nous sauvent
de Pauvre temps ladre d’amour