– Lectures croisées ?
– Oui c’est un choix que je vais essayer de motiver ; mais rien n’interdit de lire les 2 romans séparément, ils ont
toute leur indépendance.
– Même celui de J Dicker ?
– Oui, et c’est ça qui est troublant et intéressant…
Voici les éléments de mon exposé (pour éviter de perdre le fil car c’est un peu long…)
Questions d’introduction : Faut-il lire les livres dont tout le monde parle ?
2- Présentation à grands traits des deux auteurs
3- Pourquoi présenter ces deux romans de façon croisée ?
4- Pourquoi la question des « pères en littérature » est-elle posée ici ?
5- En quoi ces deux romans sont-ils proches ?
6- En quoi ces deux romans sont-ils différents ?
7- En quoi tout est dit dans les textes…
… et pourquoi faudrait-il « préférer » l’un des deux ?
« Faut-il lire les livres dont tout le monde parle ? »
ou
« Pourquoi faudrait-il ne pas les lire ? »
D’abord de simples questions :
Pourquoi tout le monde s’emballe sur les mêmes objets littéraires ? (ici « La Vérité… » de J. Dicker).
Quand beaucoup/trop de livres sortent en même temps (ex. prix littéraires) comment trier ? faire son choix ?…
Le mérite des livres n’est-il pas de faire « causer », les critiques, médias, amis, lambda, et… le BL !
= Des positions subjectives à la pelle, allant de l’admiration/adulation à la suspicion/férocité !
= L’environnement d’un livre fait-il partie du livre ?
= Un livre dont on parle, de quoi, et de qui, parle t-il ?
1- Présentation à grands traits des deux romans (ce que l’on voit d’abord en les regardant/ouvrant)
« The Human Stain » », USA 2000
« La tache », France 2002
– Editions Gallimard, 442 pages
– Prix Médicis étranger ; le PEN Faulkner Award, …
– 22ème roman de P. Roth (31 publiés aujourd’hui)
– titre court
– couverture noire
– aux USA : l’histoire intrigante d’1 prof d’Univ…
– adapté au cinéma «La couleur du mensonge»
– sorte d’enquête… ; un secret
– roman psychologique-sociologique-historique
– se déroule entre 1996 et 1998
puis, lecture des toutes premières lignes des 2 romans
2- Présentation à grands traits des deux auteurs (éléments factuels)
Philip ROTH
– né en 1933, Newark, New-Jersey
– écrit en américain ; séjour en France
– célèbre, reconnu, traduit
– vieux lion
– 1er livre écrit à 26 ans : Goodbye Columbus
– met en scène son double littéraire :
Nathan Zuckerman
– met fin à sa carrière d’écrivain; soulagé :
«Ecrire est une frustration quotidienne»
«Mon conseil à 1 écrivain débutant? Arrêter d’écrire».
3- Pourquoi présenter ces deux romans de façon croisée ? (Trois raisons principales)
1- J’ai pris au sérieux ce que J. Dicker déclare dans ses interviews et sur son site à propos de P. Roth (son auteur
de référence). Après lecture et quelques intuitions, j’ai voulu en savoir plus. Le BL m’en a donné l’occasion alors
j’ai creusé . « J’ai dit : « Je crois que je vais te prendre au mot », et je l’ai fait. » : La tache, p. 293
2- J’ai eu envie de partager avec vous deux beaux et grands textes, et vous inviter à une lecture personnelle (si
ce n’est déjà fait?). Deux romans pour ceux qui aiment s’aventurer sur des pages et des pages, être emportés
dans de vraies histoires, des personnages ambigus, des énigmes. Romans ambitieux et affichés comme tels, et
qui, du fait de leur longueur et de leur structure, sont impossibles à résumer ici. De plus, les personnages et
rebondissements sont trop nombreux , et il faut ménager le suspens ! On comprendra que je ne raconterai pas
« les histoires » dans cette présentation.
3- Les grandes fictions dites « à l’américaine » ont un côté fascinant et, à la limite, paralysant, surtout quand on
fait partie de ceux qui se risquent à écrire de courtes et modestes histoires… (ces petits objets artisanaux face
aux monuments de la littérature). Mais que cela nous empêche pas d’admirer la construction de ces 2 récits : du
grand art ! Le roman dans le roman, la mise en abîme des récits, l’élaboration de la fiction sont autant de sujets
au cœur même de la littérature. De plus, dans ces deux romans là, on « croit » voir se monter l’échafaudage du
récit, cad « comment écrit-on un roman ? » (c’est tentant quand on est apprentis !..).
Cf. « La Vérité » p. 17 , 29, 326
4- Pourquoi la question des « pères en littérature » est-elle posée ici ?
« Aucun texte n’est jamais né sous X, et s’il doit se déclarer un père… », Salman Rushdie dans Joseph Anton une
autobiographe, 2012.
Cette question est centrale et complexe en littérature et dans tous les arts… j’en dis juste quelques mots:
Le 1er roman que J. Dicker a publié s’intitule : « Les derniers jours de nos pères » (où l’Histoire = se souvenir de
son père ?). Et à propos de « La Vérité… » il déclare : « Je pourrais dédier ce livre à Philip Roth ». « Philip Roth
m’a amené à la littérature. Son œuvre m’a nourri. Sa pensée m’a guidé. »
P. Roth : admirateur de Flaubert, James, Saul Bellow, Céline,Tchekhov, Kafka,…
J. Dicker : admirateur de Roth, Gary, Steinbeck, Orwell,…
On écrit parce qu’on a lu des livres . On écrit à partir des livres. Les romanciers en témoignent.
– Certains affichent et revendiquent leur filiation, soit pour s’inscrire dans une continuité (Faulkner..), soit pour la
questionner ou la dénoncer (le nouveau roman…).
– Certains plongent dans les textes anciens et les travaillent encore et encore, comme pour leur faire rendre
l’âme, ou signifier à quel point ils sont inépuisables (Quignard, Yoursenar…)
– D’autres, plus allusifs, déguisent ou cachent leur héritage littéraire… (beaucoup…)
Avec J. Dicker, le « père littéraire » est clairement nommé, c’est P. Roth. Les critiques de la rentrée littéraire 2012
l’ont souligné, mais peu se sont aventurés à savoir en quoi consistait cette influence, cet emprunt, ou cette
dette ? Modestement, je vais tenter ici d’en dire un peu plus…
Le 1er chapitre de « La Vérité… » – numéroté 31.- est intitulé : « Dans les abîmes de la mémoire »… ; le jeune
écrivain questionne son maître :
-… « Vous pensez qu’un jour j’y arriverai ?
– A quoi ?
– A écrire un livre.
– J’en suis certain. »
5- En quoi ces deux romans sont-ils proches ? (ou en quoi sont-ils rapprochables?)
Au 1er regard
J. Dicker fait ouvertement de nombreux clins d’oeil au roman « La tache » et à son auteur P. Roth lui-même.
Deux romans de la démesure, que l’on qualifie « d’américains ».
Deux histoires incroyables. Construction virtuose, complexe, maîtrisée (talent, technique, savoir-faire).
Textes très travaillés. Ecriture efficace. Puissance de travail et d’imagination.
Personnages nombreux, énigmatiques.
Thème de l’identité : Qui est qui ? Qui est quoi ?
Thème de l’amitié littéraire ; de l’amour décalé ; de l’Amérique moyenne ; de l’écriture romanesque …
Les 2 romans partent d’un fait divers
« La tache » : le fait divers qui lance le roman est la démission de Coleman après avoir été suspecté de racisme.
Pourquoi ce comportement?… (1ères pages). Chez Roth, le fait divers devient un fait singulier.
« La Vérité… »: le fait divers qui lance le roman est la découverte du corps d’une jeune fille assassinée. Qui est
coupable?… (1ères pages) . Chez Dicker, le fait divers enclenche une enquête savamment menée.
Les 2 romans s’inscrivent sur un arrière plan politique, une actualité
« La tache » : l’Affaire Bill Clinton-Monica Lewinski, 1998 , p. 12; et, plus lointaine, mais très présente, la guerre
du Vietnam (avec le personnage de Les Farley. cf p. 270, 300, 427): occasion de parler des vices et blessures
américaines.
« La Vérité… » : la campagne présidentielle, 2008 et le roman se finit avec l’élection d’Obama p. 587; en fait,
l’action commence en 1998 où l’affaire Clinton-Lewinski joue un rôle et marque le début de la relation entre
Goldman et Quebert. p. 89.
L’action des 2 romans se passe sur la côte Est des aux USA
« La tache » à Athéna.
« La Vérité » à Aurora.
… petites villes imaginaires de l’Amérique profonde, au calme trompeur.
Plus précisément, Dicker situe son roman dans le New-Jersey et son héros, M. Goldman, est né à Newark comme
P. Roth. « Newark est le berceau des lettres américaines ».
Les 2 romans font vivre une communauté autour d’une vingtaine de personnages liées par un événement.
Peintures des mœurs ; études sociologiques de l’Amérique moyenne.
Les 2 romans mettent en scène un double littéraire, porte-parole de l’auteur, alter ego, sans pour autant
développer un roman autobiographique (bien que les éléments de fiction et d’autobiographie soient toujours
difficiles à démêler).
Il s’agit dans ces 2 romans d’un écrivain qui écrit sur un autre écrivain :
La tache : Nathan Zukerman, écrivain en retraite, 65 ans, écrit l’histoire de Coleman Silk (professeur d’Univ.) qui a
lui-même écrit son histoire intitulée « Zombies » (30 cahiers). Zuckerman et Silk deviennent amis. p. 253.
La Vérité… : Marcus Goldman, jeune écrivain, écrit l’histoire de Harry Quebert (professeur d’Univ.) qui a publié un
livre « Les origines du mal ». Malgré leur différence d’âge, Goldman et Quebert deviennent amis. chap. 28
. Un même écrivain, Roth, écrit Zukerman, qui écrit Silk, qui a écrit (mais pas publié) sa biographie.
. Un même écrivain, Dicker, écrit Goldman, qui écrit Québert, qui a publié des livres cités dans le livre.
Et c’est même encore un peu plus compliqué !… mais on peut lire sans réellement s’en soucier!
Les 2 professeurs ont des traits communs : force intellectuelle et force physique
Ils enseignent les Lettres = C. Silk : latin, grec, littérature ; H. Quebert : littérature
Ils se ressemblent physiquement = dynamiques, séduisants, musclés, sportifs (natation, boxe,…)
Les 2 professeurs sont accusés d’avoir commis une faute très grave
« La tache » : Coleman Silk a tenu des propos racistes à l’Université ; se dit innocent ; démissionne. p.30
= roman sur le politiquement correct américain et sur la complexité des êtres.
« La Vérité… » : Harry Quebert est accusé d’avoir tué une jeune fille ; se dit innocent.
= roman enquête sur le meurtre 30 ans plus tard, et sur la complexité des faits.
Les 2 professeurs ne cherchent pas à se défendre des accusations portées contre eux ; pourquoi ?
Les 2 professeurs gardent un secret que le roman s’emploie à déplier/révéler.
Le roman se présente comme lieu du dévoilement du mensonge, du camouflé de toute une vie que l’ami
romancier, le double littéraire, va mettre à jour progressivement.
« La tache »: secret et subjectivité (recherche de motifs personnels) = psychologie ; mystère.
« La Vérité » : secret et vérité (recherche de mobiles objectifs) = loi ; justice.
Deux personnages sont des imposteurs
Coleman Silk (Roth) et Marcus Goldman (Dicker) ont développé, dès leur jeunesse, le projet de devenir les
meilleurs. Ils ont rêvé de plaire et d’être reconnus, et ce, à tout prix, cad au prix d’impostures et de
manipulations.
Le 1er, Silk, a été surnommé « le soyeux » (Silky Silk, qui peut signifier également : le styliste). « le grand ,
l’incomparable, le seul et unique Silky Silk » : p.116
Le 2ème, Goldman « le formidable » (celui qui porte l’or, gold, dans son nom). p. 42 et svt, chap. 30.
Deux surnoms donnés à l’occasion d’expériences sportives où leurs exploits/victoires ont été usurpés…
Les 2 professeurs ont une liaison avec une femme plus jeune (cf. Clinton/Lewinski) :
– Coleman Silk, 71 ans, avec Fonnia Farley, 34 ans
– Harry Quebert, 34 ans, avec Nola Kellergan, 15 ans
Deux femmes plus jeunes et :
– au passé familial et affectif complexe, mystérieux, difficile à élucider
– de statut social différent : Fionna Farley, déclassée, se dit analphabète, fait des ménages ;
Nola Kellerman va à l’école, et s’intéresse à l’écriture du roman de Quebert
– un lien différent au sexe : Fionna décomplexée, vit le plaisir sans question (sagesse sauvage) ; p. 43 et svt, 280
Nola, mineure, vit l’amour romantique, mièvre, admiratif de Quebert. P 65, 136, 140
« Il était sur le point de s’offrir le plaisir facile des grands sentiments auxquels on aspire quand on cesse de
réfléchir », La tache p. 216.
Les origines juives
Quartiers juifs : lieux de résidence des personnages.
Familles juives : celle de P. Roth d’abord, et celle inventée de son héros Silk,
celle de Goldman dont la mère est digne de Woody Allen…
Noms à consonances juives : Zuckerman, Coleman, Goldman, Fensterman…
Réussir : sortir du rang, de la médiocrité (et satisfaire de hautes aspirations/ambitions) pour Marcus Goldman
Réussir : sortir de ses origines noires (pour un avenir plus libre) pour Coleman Silk. p. 140
(en effet, on passe sans transition de la gloire à l’opprobre dans ce pays !)
Les noms propres
Herb Keble, 1er professeur noir, ancien collègue de Silk. Herb Keble sonne presque comme Harry Quebert !
Roth : nom que porte l’avocat de Quebert dans « La Vérité ».
Dicker : nom suisse certes, mais presque américain ? Dick est le nom du détective dans les thrillers.
Quebert c’est un peu : Québec ? Dicker dit l’avoir parcouru à vélo ; est la destination du couple romanesque.
Golman et Coleman : même sonorités…
etc.
Et encore dans les 2 romans
l’humour (Roth p. 85-86),
–
–
la complexité des récits ; la construction romanesque (gigogne, enchâssement, imbrication etc.);
la vérité qui se dérobe et qui, ce faisant et paradoxalement, trouve en même temps son dénouement…
–
les temps des récits se mélangent et se télescopent. On joue avec les dates et l’emboîtement des
histoires ; avec le présent et le passé (flash-back)
–
les points de vue narratifs se télescopent (selon les auteurs et leurs sources/informations). L’auteur peut
se faire l’avocat des différents personnages.
–
on passe de la 1ère à la 3ème personne du singulier ( « Ecrire à la 1ère personne c’est révéler et cacher
à la fois » La tache p 423), brouillant les repères : qui écrit ?…
Entre introspection et question ? (avec même l’usage du « tu », p. 293 La tache)
= méta-roman avec jeux de miroirs entre les différents écrivains.
la réflexion didactique sur le métier d’écrivain et sur la création littéraire (ce point développé plus loin).
–
6- En quoi ces deux romans sont-ils différents ?
« La tache » comprend 5 grandes parties titrées (chacune entre 80 et 100 pages) et pas de subdivisions, ce qui
donne l’impression d’un livre d’un seul tenant, d’un seul souffle, et touffu. (les phrases sont souvent très longues)
« La vérité » comprend 3 parties titrées, 31 chapitres titrés et numérotés de 31 à 1, chacun étant introduit par
une page de conseil pour écrire un roman… A l’intérieur des chapitres : nombreuses subdivisions, indications de
dates etc. = livre très architecturé, haché qui ralenti et excite le rythme tout à la fois. (les phrases sont courtes)
Roth, l’américain, ne cède pas au seul élan épique du récit ; il est dans la filiation des romans psychologiques
européens (France, Russie), où la subjectivité des personnages est analysée dans sa complexité et sa profondeur.
Personnages ambigus, pétris de contradictions, de sentiments, de passions, aux nombreuses facettes.
En référence à la psychanalyse : une quête, un flou.
ex. de portraits : Delphine Roux (p. 235-6-7).
Dicker, le suisse francophone, connaît bien l’Amérique et les romanciers américains qu’il admire. Il se lance dans
un récit qui se situe sur le registre de l’action. Les personnages sont tels qu’on les imagine et ne surprennent pas
vraiment. Ils sont plutôt du côté des archétypes/stéréotypes : le flic, la serveuse, le pasteur…
En référence à la psychologie comportementale : une enquête, un objectif clair.
ex. chap. 22
Chez Roth, les personnages sont pris dans la langue (d’où leur ambiguïté). Le père de Coleman Silk est un
admirateur de Shakespeare et soucieux de faire respecter les règles de la grammaire… Or ce sera justement une
question de langue qui causera la chute de Coleman Silk. Un comble !… Le mot « zombie » (spook) n’a pas été
compris comme il l’entendait lui (spectre/fantôme et non : bougnoule/bamboula), p. 17-18, 106 : question
d’acception des termes, de précision des concepts, de signifiant/signifié, qui, sans aucun doute, a réveillé la vérité
cachée de son histoire.
Chez Dicker, les personnages, eux, sont pris dans un récit événementiel. Leur histoire est à rebondissements. Le
récit les porte et les entraîne, leur donnant peu à peu, au fil du déroulement de l’enquête, au compte-goutte
donc, une apparente complexité.
Idem pour la passion, les sentiments, le sexe…
« La tache » : roman sur le noir, être noir, la tache, la tare cachée, l’être obscur (cf. couv.)
« La vérité » : roman sur le blanc, la vérité au grand jour ; blanchir un romancier (cf. couv.)
« La souillure est en chacun de nous… le fantasme de la pureté est terrifiant » , La tache p. 300.
Sur le style (cf. les critiques négatives)
On critique plus facilement un auteur débutant qu’un auteur chevronné…
–
Relâchement certes de l’écriture chez Dicker : des boucles, détours, détails qui semblent inutiles,
invraisemblables ; mais aussi chez Roth ! : des longueurs, tirades, digressions…
–
Pauvreté, chez Dicker, de l’analyse des relations sexuelles entre Nola et Quebert ; non seulement, elles
n’ont rien de sulfureux (!) mais elles ne sont, tout simplement, pas crédibles par manque de passion.
–
Les 2 romans : récits puzzles dont les pièces s’ajustent plus ou moins… ou parfois s’ajustent trop bien !
Dans les 2, la conclusion tire en longueur…, besoin d’avancer encore un pas plus loin…(laborieux!) et
précipite les éléments pour tenter de finir l’histoire. Hantise du point final ?!
Roth : style parfois lourd, insiste (cf. passage sur les corneilles p. 207…), éprouve le besoin de beaucoup
expliquer, rabâche les questions de valeurs et de mœurs de la société américaine (qui sont ses
leitmotivs). Mais des passages sublimes, complexes, profonds … p. 164 : la chevelure d’Iris, etc.
Dicker : style assez plat, basique, clichés, redondances, dialogues médiocres, faiblesse des mots : plus
un scénario qu’un roman ? (avec ses voltes-faces, coups de théâtre, révélations nombreuses,
accélération finale). Mais l’intrigue avance bien…
–
–
–
Exercice de sens // exercice de style ?…
7- En quoi tout est dit dans les textes…
Roman de faussaire ? de tâcheron admiratif ? Dicker ne se cache pas de ses références et leur fait même
révérence. Il multiplie les points de ressemblance et de jonction avec Roth, son modèle, et déroule de bout en
bout sa question : Comment écrit-on un roman ? Quels sont les rapport entre le héros et son maître ?
(L’idée de transmission, de fabrication du roman est centrale). Il fait tout celà trop bien pour qu’il s’agisse d’une
resucée ! En fait, il suit une autre voie romanesque.
Romans à tiroirs, mise en abîme. Qui est l’auteur ? il y a plusieurs sources dans les 2 récits (= on s’y perd un
peu).
Chez Dicker, la recherche de l’assassin devient une quête d’écriture.
Chez Roth, faire un livre c’est permettre au narrateur de prendre la parole, de reconstituer.
« La tache »: un écrivain va découvrir que celui sur lequel il écrit est noir.
« La Vérité »: un écrivain va blanchir celui sur lequel il écrit.
Question style, Dicker n’est pas P. Roth, ni James Ellroy, ni De Lillo, ni… , plus proche de Douglas Kennedy, d’un
Jonathan Franzen…
La question du cliché, essentielle ici, et dès que l’on écrit, est abordée différemment :
Roth, cf. p. 259 « de notoriété publique » ! où il le décortique et lui fait un sort. et p. 326 les hommes américains.
Dicker s’y engouffre, joue avec = économie d’écriture, permet donc une rapidité du récit et une compréhension
aisée par le lecteur…
Dans les dernières pages…
La tache : le récit répond à des questions certes, mais au final, les personnages demeurent complexes, de plus
en plus complexes et opaques ; ils ont acquis une densité, une épaisseur. Le cas reste énigmatique et sombre.
(d’autant plus sombre que la dernière scène se détache sur le blanc de l’hiver et de la glace du lac).
La vérité : le récit résout des questions ; les choses rentrent dans un certain ordre. Les personnages sont
éclairés les uns après les autres. Les énigmes trouvent leur dénouement après moult rebondissements et fausses
pistes. Le cas est clarifié, la situation apaisée.
… et pourquoi faudrait-il « préférer » l’un des deux ?
Aucune raison !
Deux façons de raconter
Des publics différents
Chaque roman ouvre sur l’autre, et enrichit la lecture
Deux faces : la noire et la blanche
Mon conseil : lire les deux !