_ Hé ! LENT ! Tu viens !
La moquerie, le jeu de mots se répétaient.
Il restait caché sous les feuilles. Ce qu’il en restait. Des liasses luisantes sur lesquelles dérapaient les grands pieds des humains.
Il se sentait à l’abri. Des prédateurs? Allons-bon! En avait-il seulement. Il était doux de se terrer. Et la liasse se corrompait sûrement ,et lui, vivait en son sein la patiente transformation. Cela grésillait, prenait son temps _ce qu’entre nous, il appréciait le plus au monde.
Le temps s’était remis à la bruine. Il riait. D’éprouver une simple partie des choses. Le froid, par exemple, ne l’atteignait pas. S’il devait geler, il gelait, même la liasse y était sujette, mais lui se faufilait, contournait toute aspérité à laquelle il accordait un air de rondeur, et le voilà qui glissait dans une fente, s’immisçait entre deux pétales d’une Ronsard tardive, bâillait voluptueusement au jour qui tardait à paraître mais qui jusqu’à présent avait toujours paru, bâillait de nouveau, observait…
_Hé ! LENT !
Cela recommençait. Il fallait toujours qu’on l’appelât, l’extirpât de la torpeur éveillée qui faisait son bonheur, cette conscience d’être délicieuse.
Un sabot joli s’avança, gratta. La liasse gelée se déchiquette. Une langue rose qui s’en empare. Que c’est beau, se dit-il, contempler ce mouvement de si près, les dents qui broient, se chevauchent, tout le travail des molaires frottement grincement, leur son aigu et décalé comme un chanteur qui chante faux ouh! Cela fait rire cela provoque des frissons, cela t’emporte et tu divagues tu t’embrases tu t’exclames: comme chante faux le chanteur, comme les notes se coincent juste à l’arrière des oreilles pour que lui-même y soit aveugle _dans ce cas-là se confondent les sens, font un gros tas : voir-entendre-sentir-goûter : tout un, qui racle tasse halète détonne, mais ce tas-là qu’il mange, lui au sabot d’argent avec un singulier vouloir une telle conscience dans l’ardeur…
Hé-LENT se cale dans la Ronsard.
Langue la happe. Comme c’est chaud. Et hop il coule dans une sauce qui s’agite, un océan.
Là, pas moyen de rêvasser. Il guette une herbe, une lumière qui s’entrouvre, il prend appui sur un anneau
_Hé ! LENT ! Hé LAN ? Miracle Il le produit l’élan!
Il danse dans la forêt de dents il saute sur la babine tiède fourrage une narine et clip et clop et rang et cloung et zing et zoung il titille un poil rêche caresse valse de l’un à l’autre il crie :
J’arrive! Il bondit d’un élan.