Je ( ) je ( ) jjjjjjjjjjjjjjje ( ) jeee euh euh euh euh euh euh
(soupir)
dès que je veut dire quelque chose qui la concerne de près
ça bugue dans sa ( ) tête
ça bègue dans sa bouche
à cause de la ( ) Ffffffffaute
la Faute impardonnable intolérable introooo
la Faute originelle
de n’être pas
conforme à
ma gé-né-a-lo-gie
à mon identité assignée
alors que je se sent tout à la fois femme homme enfant noire bistre myosotis amibe cendres loup éclair gouffre rivière point-virgule ou de suspension
et plus les jours déclinent plus ça empire
c’est sans doute pour être en accord avec le solstice d’hiver
que Je me tu(e)
chaque nuit de Noël
je me quitte ou double
hélas je est astigmate
et
tu est myope
si bien qu’à chaque fois
je
me
rate
et qu’à force j’ai tourné vioque
mais la Faute est toujours là
je dois payer d’être non conforme
alors ?
l’année suivante
je recommence
un Noël j’ai même attendu les soldes
pour m’offrir une sortie de luxe dégriffée
cela n’a rien changé
sauf
ce jour d’automne très ancien
sur la plage déserte de Punta Umbria
où j’échouai comme un coquillage évidé
le soleil est au zénith
le sable mouillé claque sous mes sandales
je regarde au loin
et là
en plein jour
Je est passée par le chas de l’aiguille
de l’autre côté de l’espace et du temps
là où le chat de Schrödinger est à la fois mort et vivant
happée
par une
brusque disparition de toute forme couleur et son
une
apnée de la pensée
baiser auquel la chute du monde serait suspendue
sourire de l’être à la fois un et multiple
parenthèse d’un Je évanoui
qui vibre comme un arc de joie entier
en bordure de la galaxie
qui sait
peut-être qu’un jour
ensemble
nous nous hisserons
hors du trou à crottes
en nous accrochant
aux deux croissants de lune
de la Parenthèse
avec un peu de chance
de là-haut
ébranlés par la splendeur du clair de terre
nous déciderons ensemble
de redescendre et
nous creuserons le sol
armés de ces seuls arcs
pour extraire l’esprit
de notre mère la terre
qui depuis des lustres nous répète :
La conscience de soi ne se déchiffre pas
elle est paysage fantasque
la conscience ne se prend pas
elle voyage à la cime des vagues
la conscience ne s’éclaire pas
elle entre dans la nuit qui porte en germe la lumière
la conscience n’est ni aiguë ni trouble
elle est sans commencement ni fin
elle est le deux qui ouvre sur le toi qui danses
dans le corps habité par le souffle du Faucon Kaokaoma
le toi qui chasses les orpailleurs
le toi qui parles
dans la langue des flamboyants des gazelles et des migrateurs
pour bâtir un monde où même l’amputé
peut retrouver l’usage de ses mains et de ses rêves