On voit ces êtres, là-bas, on les voit pareils à des arbres, bougeant à peine, comme en hypnose, atteignant le ciel du bout des doigts, le corps s’assouplissant en une danse, arabesque, au ralenti, c’est la méditation du geste presque imperceptible et non accompagné de musique, c’est le geste qui permet de planer, visage lunaire, plein, dans un ailleurs feuillu sans limites.
C’est lent
et traînant
flamme tranquille
annonçant l’angélus
une larme
Elle est là qui traîne, qui dérive. Elle ne regarde plus et traîne, happée par le mystère. Elle baigne dans une clarté d’aube, et sa torpeur l’emporte loin, dans l’entrelacs des ondes à mille lieues des parapets et garde-fou. Elle s’est dissoute dans la pluie fine et douce, elle s’est soumise au vent qui glisse, elle n’aura de sursauts qu’intermittents quand la paroi du jour aura cédé jusqu’à nacrer sa silhouette de l’aura du disparu, fumerolle claudicante cherchant l’interstice où se lover.
Une larme
a coulé
au ralenti
en gros plan sur l’écran
immense
Parfois elle signifie patience, minutie, endurance ; parfois ennui. Si elle est choisie, c’est un mode de vie, une philosophie ; si elle est contrainte, elle désigne l’enfance balbutiante, la vieillesse trébuchante. Avec la lenteur surgit la pensée du peu, celle de la saveur et de l’attention aux petits riens de l’existence. La lenteur saisit les panoramas comme les détails infimes du paysage ou du moment. La lenteur est exploration, contemplation. Elle n’est pourtant que très modérément appréciée, elle semble exaspérante aux hommes pressés qui font florès ! Qui fait l’éloge de l’enfant lent ? On est si fier de l’enfant précoce !
Passage
de l’instant
saveur du temps
goutte à goutte perlant
lenteur
Il y aurait l’adagio soudain dans la prunelle ou le cœur de la rose, un adagio gris perle encerclé d’un arc-en-ciel prolongeant son prisme sacré. Ce serait cette musique d’autrefois qui infuserait comme une fumerolle, diaphane et sans contours, elle serait enroulement, spirale, eucalyptus. Une telle rencontre a lieu sur l’oreiller des nuages, sous les paupières closes, dans le souffle lunaire des rêves ou très loin dans la profondeur des lacs voire au sein des bois là où l’humus rejoint la pulsation des sources enfouies.
Forêt
Adagio
Les longs appels
Chemins perdus d’odeurs
Les fugues
Avec les assonances savamment agencées à l’intérieur du vers, du quatrain, du poème, avec la lancinante répétition des diphtongues faisant subtilement écho comme si se chuchotaient des secrets oniriques ou le retour originel du babil ou de la lallation du premier âge, la lenteur s’approfondit dans les vocalises, dans l’art de faire durer le mot qui tient tant que le souffle du récitant le déroule à la manière du papyrus ou du manuscrit : la lenteur est ce souffle qui s’étire en un chant que rien ne semble devoir épuiser.
Le chant
Le suspens
Tant d’échos viennent
Caresse du temps lent
Qui boîte