C’est là qu’il la trouve, endormie, sur le bord, en marge.
Dans le gel, et la chaleur du premier soleil.
Son corps épousant la douce ondulation du talus.
Nue, frèle, encore pétrie de sommeil et d’abandon.
C’est là qu’il la trouve, sur la lèvre du fossé, protégeant ses yeux de la clarté naissante.
Pâle, calme, indifférente aux bêtes matinales qui paissent alentours.
Belle, gracile; une douzaine d’années pas plus, non pas plus.
Bâillant et s’étirant; gestes lents d’un chat.
Ne dites rien. Ne m’évéillez pas. Je n’existe pas encore.
Je n’ai rien à me mettre. Donnez-moi des primevères et des violettes.
Allongez-moi sur le lit des prés. Que je m’enfonce dans les pousses fraîches.
Que j’éternise mon rêve interrompu. Le bruissement du monde me fane.
Venant du coeur des nuits et des froidures hivernales,
Elle s’étend dans l’herbe rase des blés précoces,
Déroulant gauchement ses membres raidis,
Sa nuque perlée encore tendue vers les étoiles.
Puis, il voit son corps hardi de gamine se dresser sur l’ocre des crêtes,
Jambes vacillantes, buste d’albâtre, cheveux de paille mèlés.
Il la voit s’effacer dans la transparence printannière,
Tourner le dos au flux vibrant qui s’éveille, déjà fiévreux et tapageur.
Laissez-moi mes brouillards et mes songes.
Laissez-moi mes frissons et mes silences.
Les corps dorment au gré de leurs rêves poursuivant les journées inachevées.
Je m’éveillerai quand j’aurai l’envie d’une belle histoire,
Quand je trouverai les mots justes,
Alors j’ouvrirai un grand jardin d’amour de rires et de roses…
… Alors je sortirai de la page comme d’un drap froissé…
mars 2018.