Peu à peu quoiqu’aussitôt. Maurice Blanchot
On a dormi, rêvé,
approfondi la nuit,
forant par-delà les paupières
la rive incertaine des chimères.
Le geste vient du fond du temps
accomplir un désir.
C’est un élan qui traverse la chair
ou l’horizon.
Une feuille qui naît sous nos yeux,
un duvet, promesse de voyage,
un pas, l’amorce d’une danse
ou d’une tâche.
Le rêve prépare à la vie,
la seconde en servante
est cri nervalien
d’énigme et de clarté.
C’est l’éveil, si rare,
un cristal chantant,
une aurore d’abeilles
le lotus extatique du monde.
Dans les sous-bois
la lumière vacille
les filles du feu règnent encore
dans le secret de l’ombre.
Elles sont déesses ou fées
saintes ou prêtresses.
Elles sont atténuées,
ne sont qu’un souffle.
Dans la cour
le disciple balaie
la poussière le salit encore
tant d’années ont coulé !
Des heures et des jours
ont passé.
Le peintre japonais dans sa vieillesse
songe toujours au trait parfait.
Tant de sueur
un même geste répété
une vie tout entière
avant l’éveil.
Dominique Zinenberg, le 27 mars 2018