Isabelle Minière
Marcher quelque part
marcher au milieu de nulle part
marcher comme si on avait un but
marcher pour marcher
marcher en laissant les jambes nous transporter, en être le passager
marcher en regardant le paysage
marcher en regardant à l’intérieur de soi
marcher pour se sauver de sa vie
marcher pour laisser le corps s’aérer l’esprit
marcher pour faire le tour de la question en faisant le tour du pâté de maisons
marcher parce que le pied droit fait la course avec le pied gauche
marcher parce que le pied gauche est contre la compétition et se laisse rattraper
marcher pour se sentir vivant
marcher pour promener les pensées qui sentent le renfermé
marcher en sautillant comme en rentrant de l’école autrefois
marcher pour avancer, mais vers où ?
marcher sur terre en imaginant que c’est sur la lune
marcher : un grand pas pour moi et rien du tout pour l’humanité
marcher dans sa tête pour ne pas fatiguer ses pieds
marcher avec des chaussures neuves et admirer ses pieds à chaque pas
marcher avec des chaussures neuves et regretter ses vieilles godasses
marcher en rêvant d’avoir des jambes à moteur – avec la télécommande
marcher pour faire son marché
marcher en se demandant ce qu’on fait de sa vie et si ça va bien marcher
marcher comme si on avait des ailes et s’inquiéter pour l’atterrissage
marcher parce que sinon les jambes pleurent
marcher parce que sinon les pieds sont tristes
marcher au hasard en espérant une belle rencontre
marcher en rasant les murs pour éviter toute rencontre
marcher avec une canne invisible et avoir l’impression d’être fragile
marcher vers quelqu’un et lui ouvrir les bras
marcher à reculons pour rentrer à la maison
marcher en faisant l’imbécile pour faire rire la compagnie
marcher sans rien voir parce qu’on a trop de peine
marcher à toute vitesse quand on a tout son temps
marcher tout doucement quand on est pressé
marcher sous la pluie, dans le froid, pour le plaisir de rentrer chez soi
marcher sur la pointe des pieds pour ne pas user ses talons
marcher à grands pas pour se donner l’impression d’être très occupé
marcher en rêvant, rêver qu’on marche et s’étonner de se réveiller à la même place