Dans l’amour fou, Breton décrète que « le hasard serait la forme de manifestation de la nécessité extérieure qui se fraie un chemin dans l’inconscient humain ». Le hasard révélerait le désir inconscient de l’homme par « l’avènement » d’une cause externe qui répond à une nécessité interne. Breton soutient que l’individu qui pourrait lire dans les signes de sa vie aboutirait à un dévoilement de l’intrusion du hasard au sein de son existence. Inspiré par l’influence grandissante de la psychanalyse, l’auteur de L’amour fou, ainsi que plusieurs autres auteurs, attribuent rapidement la source, la cause de l’avènement du hasard au désir (inconscient) de l’homme. Ce qui explique peut-être le sens de l’oxymore (?) de Breton « Le hasard objectif « .
Dans la revue Philosophie, Raphael Enthoven, associe Hasard et coïncidence « Quand hasard signifie coïncidence, le hasard naît du fait qu’aucune intelligence humaine ne pouvant tout prévoir, l’intersection de deux séries causales a pris au dépourvu celui ou celle qui, pour le meilleur ou le pire, se trouvait à leur centre. Comment, en ce sens, ne pas tenir pour autant de hasards tous les moments où la vie bascule ? Comment ne pas croire au hasard quand, au détour d’une rue, au pied d’une statue, on croise une vieille connaissance, un assassin ou la femme de son cœur ?» Et de citer Paul Valéry :
« L’homme a appelé hasard, la cause de toutes les surprises, la divinité sans visage qui préside à tous les espoirs insensés, à toutes les craintes sans mesure, qui déjoue les calculs les plus soigneux, qui change les imprudences en décisions heureuses, les plus grands hommes en jouets, les dés et les monnaies en oracles… Que m’importe si je n’ai point le billet de la loterie, que tel ou tel numéro sorte de l’urne ? Je ne suis pas “sensibilisé” à cet événement… Ôtez donc l’homme et son attente, tout arrive indistinctement, coquille ou caillou ; mais le hasard ne fait rien au monde, – que de se faire remarquer. »
Plus proche de nous, Kundera, a du hasard une approche différente en associant le mot allemand Grund que l’on pourrait traduire par Fondement .
« J’essaye de saisir chez chacun de mes personnages son Grund et je suis de plus en plus convaincu qu’il a le caractère d’une métaphore » dit-il dans L’immortalité. Et comme l’a très bien exposé Thierry Parent dans son étude sur Kundera « Ce qui distingue ce fondement de la causalité ordinaire, c’est sa possibilité d’échapper au rationnel et de faire place à l’incertitude et aux facteurs impondérables dans le récit des actes et des pensées des personnages. »
Après ces quelques pistes non exhaustives, (nous avons laissé, entre autres, de côté la croyance selon laquelle le hasard serait le signe de la providence) place maintenant aux contributeurs de ce BL :
– Agnès Adda a lu trois de ses poèmes Au hasard Balthazar, Quitte ou double, Vues (à lire sur le blog)
– Catherine Jarett a lu un de ses poèmes Poème à Natacha (à lire sur le blog)
– Svante Svahnström a lu un de ses textes Quand j’étais une cellule dans Hocus corpus (à lire sur le blog)
– Isabelle Camarrieu a lu un de ses textes Personnage en construction (à lire sur le blog)
– Catherine S a lu Cahier de Calamanca de Cioran
– Rached a lu Colonel D.Streamer Poèmes sans loi pour foyers sans cœur, colonel D.Streamer et Les dingues du non sens de Robert Benagoun
– Dominique a lu Thomas Hansen
– Isabelle Minière a lu un de ses textes Coïncidences (à lire sur le blog)
– Christian a chanté une chanson de sa composition en s’accompagnant au piano Nobody knows you when you’re down and out
– J’ai lu des extraits de Nadja d’André Breton et un texte de ma composition, écrit en choisissant par hasard les occurrences proposées par mon I Pad, sans chercher à faire sens.
Après ce BL, comme toujours très convivial et créatif, nous nous sommes donné rendez-vous pour le prochain BL qui est fixé au 14 décembre et qui aura comme thème ARBRE(S).
Littérairement et poétiquement vôtre.
François Minod